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Moniteurs d'auto-école dans l'impasse financière

Dans un secteur marqué par de nombreux changements légaux, la baisse du nombre de cours pour élèves conducteurs et l'activité de moniteurs non agréés qui appliquent des tarifs défiant toute concurrence, les professionnels des cours de conduite tirent la langue, voire le frein à main.

Auto-école
© Canva

Les moniteurs d'auto-école ne savent plus à quel frein se fier. Entre des modifications légales qui provoquent un manque à gagner dans la branche et la concurrence déloyale de personnes qui donnent des cours de conduite sans disposer des qualifications requises, les écueils sont aussi nombreux que les signes inquiétants.


N'arrivant plus à vivre décemment de leur travail, à force de tirer la langue, certains professionnels ont, la mort dans l'âme, décidé de tirer le frein. Contraints et forcés de tourner le dos aux cours de conduite, certains ont changé d'orientation professionnelle. «La reconversion était le seul choix judicieux qui s'offrait à moi. Le temps de travail a beaucoup baissé car il y a beaucoup moins d'élèves et, surtout, beaucoup moins d'heures de cours. J'en étais arrivé à ne même plus avoir plus de 20h de boulot par semaine. C'était devenu impossible de tourner. J'ai donc décidé d'arrêter un métier que j'adore et que j'ai exercé pendant plus de vingt-cinq ans», soupire Françoise.


Sujet tabou


encadré 1

Combien ont, comme cette monitrice romande, mis un terme à leur carrière afin d'embrasser un nouveau métier financièrement moins hypothétique et avec un salaire mensuel assuré? Selon Stéphane Laub, directeur du Centre de formation routière basé à Savigny (VD), le «sujet de la réorientation professionnelle est quasiment un tabou.


En tant qu'indépendants, ces moniteurs n'ont pas droit au chômage et sont très mal à l'aise par rapport à une situation vécue comme un cuisant échec personnel. Ce sentiment les incite à garder le silence et à changer de job sans faire de bruit», explique cet expert qui forme des moniteurs.


Autre raison de nature à pousser les moniteurs proches de la banqueroute financière à vivre cette déroute sans faire de vagues, ils sont généralement perçus par Monsieur et Madame-tout-le monde comme des personnes qui gagnent bien leur vie. «C'est une image biaisée. Nous avons énormément de charges fixes: frais de formation continue, frais médicaux poussés chaque deux à cinq ans selon l'âge du moniteur ou de la monitrice, l'achat de véhicules à cause du phénomène d'usure, les assurances, les impôts... Et, à l'heure du réchauffement climatique, auprès de l'opinion publique, la voiture est perçue essentiellement comme un élément polluant», déplore Monique*, une monitrice vaudoise. 


Essor des véhicules électriques et surcoût financier 


Un changement sociétal s'est également opéré avec l'avènement des véhicules électriques dont la cote est sans cesse en hausse. «Alors qu'auparavant 80% des leçons de conduite avaient lieu dans une voiture manuelle, énormément de moniteurs ont été obligés de changer de voitures car la tendance a totalement changé du jour au lendemain. Sur le plan financier, cela a un coût considérable», déplore Monique.


Dans ce contexte de marasme économique, l'activité des pseudos-moniteurs passe de plus en plus mal. «Nous sommes fâchés et excédés par cette situation inacceptable. Les autorités n'auraient pas accepté que de faux médecins s'occupent de patients. La route, c'est du sérieux. C'est quand même une question de sécurité publique», fustige Patrick*, un moniteur neuchâtelois. 


La situation actuelle a provoqué une péjoration des conditions de vie des moniteurs, selon Stéphane Laub. «Aujourd'hui, des gens qui ont officiellement une activité lucrative dans un autre domaine que l'auto-école utilisent les cours de conduite comme revenus d'appoint en appliquant des tarifs horaires entre 25 et 30 francs. Mais ils n'ont pas de double commande dans leur véhicule. Pour l'essentiel, ils ont des connaissances lacunaires du droit de la circulation routière.


De ce fait, les élèves, eux, ont tendance à ne prendre des cours chez les moniteurs agréés qu'au début et à la fin de leurs formation. Entre ces deux étapes, ils auront pris passablement de mauvaises habitudes chez des faux moniteurs qui n'ont pas les moyens de leur politique. Ensuite, il reviendra aux moniteurs professionnels de devoir rectifier le tir quelques jours, voire quelques heures, avant l'examen pratique avec un expert du Service des autos.»


Sanctions rares et peu dissuasives 


S'il est de notoriété publique que les moniteurs non agréés agissent dans l'illégalité totale, «les sanctions sont rares et peu dissuasives», fustige Monique, qui accuse les autorités romandes de «fermer les yeux». 


encadré 2

L'année passée, par exemple, en Valais, un pseudo-moniteur a été condamné par le Tribunal de Martigny à une amende de... 250 francs pour exercice non autorisée de la profession. Dans le canton de Neuchâtel, un moniteur non agréé ayant sévi de 2020 à 2022 a été pincé par la justice en 2023: il s'est vu infliger une amende de 800 francs.


«Nous sommes dans le désarroi économique», alerte un moniteur agréé. Il en veut pour preuve le fait que «certains professionnels en sont arrivés à sous-louer quelques jours par semaine leurs locaux de cours théoriques pour avoir une rentrée d'argent supplémentaire».


Pour Stéphane Laub, on ne se dirige pas vers le beau. «S'il n'y a pas plus de soutien des autorités pour encadrer le métier, celui-ci deviendra de plus en plus une activité accessoire. Et au final, on va se retrouver avec des conducteurs qui obtiennent le permis sans avoir bénéficié de la pédagogie de conduite requise. L'essentiel sera accentué sur la technologie au détriment des compétences et aptitudes humaines», redoute l'expert vaudois.


*Prénoms d'emprunt 

3 Comments


eric.videlier
Jul 07, 2024

Malgré tous les efforts déployés par le lobby routier et l'écrasante majorité des médias mainstream, la voiture (et ses indécrottables aficionados) commence enfin à souffrir de ses nombreuses tares que sont les pollutions diverses (visibles, mais aussi surtout invisibles pour les modèles électriques) pour leur construction, leur exploitation et leur partiel recyclage, mais aussi pour son envahissement (combien de constructions, y compris souterraines, juste pour garer ces tas de ferraille et plastique durant la majorité de leur temps d'existence?). Et encore, on ne parle pas trop des coûts réels de ce mode de transport dans les foyers, avec des revenus qui, lentement mais sûrement, s'érodent "grâce" aux politiques néolibérales qui, pourtant, bénéficient de la bagnole et en font l'une de…

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jean-marc.cerutti
Jul 07, 2024
Replying to

Je suis abasourdi par ce déversement de points négatifs attribués à la voiture.

Bien entendu nous vivons un changement de paradigme, mais il ne faut pas vouer aux gémonies ce qui a permis incontestablement à l'humanité de progresser dans de nombreux domaines. Pourquoi tant de haine inutile ?

Un exemple pris au hasard : Sans la voiture, la Commune d'Echallens serait-elle aussi accessible ?

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suzette.s
Jul 07, 2024

La question du rôle "négatif" de la voiture électrique est très importante. Merci d'attirer aussi l'attention sur cette question-là.

Bonnes vacances et au plaisir de vous lire à la rentrée.

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