Confrontée à des difficultés en tant qu'enfant, puis en tant que mère, Katarina Spasojevic a une vision d'ensemble de ce que peut être une parentalité déficiente. Pour aider les familles, la jeune entrepreneur a lancé une émission de télé dans laquelle tous les tabous sont abordés: de l'aliénation parentale à l'éducation sexuelle à l'école, en passant par la gestion des émotions. Entretien avec une superwoman qui n'a pas peur de mettre les mots sur les maux.

Amèle Debey, pour L’Impertinent: Qui êtes-vous?
Katarina Spasojevic: Je suis mère de trois enfants, mariée à un homme formidable. Je suis titulaire d’un MBA business international que j’ai passé avec l’idée de travailler dans le commerce, ce que j’ai fait, avec une belle réussite à la clé. Quand je suis devenue maman, j’ai d’abord arrêté de travailler pour élever mes enfants, puis je me suis totalement réorientée dans l'associatif et dans le soutien à la parentalité, parce que je me suis rendue compte à quel point c'était difficile.
Aujourd’hui, je suis une entrepreneuse dont le but est de créer des choses utiles à la société.
En plus d’être une maman et une épouse, je suis donc une businesswoman et une femme d'action. On m'appelle le pitbull dans le milieu, parce que je suis quelqu'un qui ne lâche pas. Quand je sais qu'il y a quelque chose à faire, je vais vraiment pousser jusqu'à ce que ça se réalise. C’est ce qui a permis à l’émission La Récré parentale de se réaliser.
Au début, j’étais seule avec mon idée et mon malheur à la maison. Il a fallu créer le concept de l’émission de A à Z. Trouver des parrains, des intervenants et des financements, parce qu’ils ne sont pas tombés du ciel et il a fallu enfoncer quelques portes!
La Récré parentale, qu’est-ce que c’est?
C’est une association et une émission de télé qui ont pour but de diminuer les violences intrafamiliales en touchant les familles qui ne vont pas forcément demander de l'aide. Qu’elles soient isolées ou non, les familles estiment simplement qu’il est difficile de demander de faire la démarche. Soit parce qu’elles ne savent pas où s’adresser, soit parce que ce n’est pas dans leur mentalité, soit parce qu’elles ont honte ou alors par peur qu’on leur enlève les enfants. A La Récré parentale, on pense qu’il faut donner une chance aux parents de prendre conscience de ce qui ne va pas, d’améliorer leurs compétences parentales, de prendre soin d’eux afin d’être les parents dont leurs enfants ont besoin. Pour cela il existe beaucoup de services et d’organismes que les familles ne connaissent pas.
Le but de la Récré parentale, c'est d'informer, d'épauler et d'accompagner toutes ces familles pour éviter les violences sur les enfants en premier lieu.
Comment est née cette idée?
Quand j'ai eu mon premier garçon, j’ai été une mère stricte, j’avais aussi beaucoup de principes. A un an, j’attendais de lui qu’il se comporte de manière responsable. Un jour, il a fait tomber son assiette et je l’ai laissé 40 minutes devant jusqu’à ce qu’il m’écoute et la ramasse. J’étais sa mère et il devait m’écouter et m’obéir. Un autre jour, on jouait aux Lego et une pièce est tombée par terre. Je lui ai demandé de la ramasser mais il n’a pas voulu, alors je lui ai mis une claque. Cette claque a été un électrochoc pour moi. Je me rends compte maintenant, avec le recul, que j'attendais une occasion pour être violente physiquement avec lui. Je voyais que quelque chose n’allait pas, que ce n’était pas le bon chemin, mais je me sentais démunie et je ne savais pas comment changer les choses.
Cela a été un déclic pour moi. Je me suis dit que j’étais en train de devenir violente, comme ma mère, et j’ai détesté ça. Je me suis effondrée dans les bras de mon mari à son retour du travail, lui disant que j’étais la pire mère du monde, que je n’aurais jamais dû avoir d’enfant. A ce moment-là, j'ai tellement regretté d'avoir des enfants, car j’étais certaine de ne pas avoir les épaules pour ça.
«La majorité des mères qui sont violentes avec leur enfant, ne le sont pas parce qu'elles sont méchantes»
Et puis, un soir, alors que j'étais en train de déprimer, je suis tombée par hasard sur un reportage de Françoise Dolto que je ne connaissais pas. Véritable pionnière dans la psychanalyse pédagogique, elle animait une émission radio Lorsque l’enfant parait (paraît) où elle conseillait les parents tous les jours 10 minutes. Elle a eu un succès fulgurant et a touché et aidé énormément de familles. Aujourd'hui encore, puisqu’en suivant ses préceptes et ses concepts, j'ai énormément amélioré ma parentalité. Puis je me suis dit: comment faire pour que la situation que j'ai vécue avec mon fils et que d’autres parents vivent ne se réitère plus?
La majorité des mères qui sont violentes avec leur enfant, ne le sont pas parce qu'elles sont méchantes ou parce qu'elles n'aiment pas leur enfant. Moi, j'étais totalement dépassée, je me sentais seule au monde, exténuée, jamais de relève, pas même les weekends. Mon mari allait travailler à six heures, pour rentrer à dix-huit heures. Et c'était tous les jours pareil.
Je me suis dit que la seule manière de toucher les familles à grande échelle c’était via la télé et les réseaux sociaux. Sauf que, sur les réseaux sociaux, on entend et voit de tout. En faisant des recherches, je me suis aperçue que plusieurs associations d’aide existaient, et qu’en plus de ces associations qui font un travail monstre, il fallait faire intervenir des professionnels qui ont vraiment des réponses et des pistes à donner aux familles. C'est comme ça que j’ai eu l'idée de fonder une émission télé, La Récré parentale, afin d’informer les familles de manière professionnelle.
De quels types de violence parlez-vous?
De toutes sortes de violences. Nous nous concentrons majoritairement sur les violences physiques et psychologiques, mais nous voulons aussi prévenir les violences sexuelles, donc tout ce qui a trait à l’inceste. Ce n’est cependant pas notre cible première, car il y a d’autres associations qui font magnifiquement ce travail.
Parlez-nous un peu des violences que vous avez subies.