Un groupe d'experts requiert le bannissement du concept d’aliénation parentale dans les procédures de droit de la famille en Suisse, selon un document confidentiel que L'Impertinent a pu consulter.

Le syndrome d'aliénation parentale (SAP) est décrit comme la manipulation d'un enfant par l'un de ses parents afin de l’éloigner de l'autre parent. Ce dernier est ainsi rejeté avec hostilité et décrit négativement sans raison compréhensible. Un rapport encore confidentiel du Guide de la Conférence suisse contre la violence domestique, dont L’Impertinent a eu copie, veut sonner le glas de cet angle de vue. Cet organisme, qui édicte des lignes directrices dont s’inspirent les tribunaux et les expertises psys dans les cas relevant du droit de la famille, demande tout simplement le bannissement de l’expression «aliénation parentale».
«Le réseau de la Convention d'Istanbul se prononce pour une interdiction de l'utilisation du concept dans les procédures de droit de la famille en Suisse», peut-on notamment lire dans ce «Guide» qui devrait être rendu public incessamment. Outre la critique du SAP, qui manquerait de «fondement scientifique» car relevant plus d’une question de croyance que d’un concept scientifique, le Guide émet aussi de sérieuses réserves sur l’initiateur du concept, le pédopsychiatre américain Richard Gardner (voir encadré).
Privilégier l’approche multifactorielle

«Il n'est pas judicieux pour les tribunaux de «placer un facteur, comme l'influence exercée par un parent, ou un processus, comme les sentiments de loyauté conflictuels d'un enfant, au centre de la réflexion. Une approche multifactorielle est plutôt nécessaire pour développer une compréhension du refus de contact», préconise la Conférence suisse contre la violence domestique.
Désormais, cette recommandation devrait être appliquée par les juges en droit de la famille, les autorités de protection de l'enfant et de l'adulte ainsi que les institutions de soutien et de protection des personnes victimes de violence.
Polémique depuis 2023
Il faut rappeler que, dès 2023, cette posture a été précédée de passes d’armes entre la Conférence suisse contre la violence domestique et la Commission fédérale pour les affaires familiales. Quand la première structure voyait en l’aliénation parentale «un concept qui invalide, nie et occulte les propos et les craintes exprimés par les femmes et les enfants face à la violence des hommes», la deuxième lui reprochait de «présenter de manière unilatérale et stigmatisante la violence domestique comme une violence à l'encontre des femmes, et non comme celle de deux parents dans une relation de couple parental». La commission fédérale rappelait ensuite qu’en matière de violences domestiques, l’Office fédéral de la statistique se base sur les cas présumés dont la police a eu connaissance. «Les hommes reportant moins la violence dont ils sont victimes, les chiffres évoqués sont donc biaisés.»
Selon un observateur ayant requis l’anonymat, deux camps se font face aujourd’hui avec des postures diamétralement opposées: «des féministes radicales et des masculinistes radicaux».
«Il y a plus de pères aliénés que de mères aliénées»
Présidente du Mouvement suisse pour la coparentalité responsable et experte en prévention et suivi des abus, principalement sexuels à l'encontre de mineurs, Isabelle Vuistiner-Zuber est à la pointe du combat pour la reconnaissance par la Suisse du concept d’aliénation parentale. «Nous constatons, et c’est étayé par la littérature scientifique, que la parole de l’enfant n’est pas libre dès le moment où il se trouve en conflit de loyauté.
Ce qui est trop souvent le cas lors d’accusations d’un parent envers l’autre, ainsi que lorsqu'il y a souffrance extrême d’un parent, lors d’une séparation, avec exposition involontaire de l’enfant à la souffrance du parent. «Il est inacceptable que des groupes d'influence veuillent entraîner la Suisse dans le champ du dogme et non celui des connaissances théoriques et expériencielles, qui disent clairement que l'aliénation parentale existe. Il semble y avoir plus de pères aliénés, car le parent aliéné est généralement celui qui ne détient pas la garde de l’enfant», soutient Isabelle Vuistiner-Zuber.
Pour une formation pluridisciplinaire sur les violences domestiques

Pour Nathalie Glatz, psychologue spécialisée en psychothérapie et en psychologie d’urgence, le débat ne devrait pas être centré sur l’existence ou pas du syndrome d’aliénation parentale mais sur la douleur de l’enfant. «Je suis favorable à la mise en place d’une formation pluridisciplinaire sur les violences domestiques pour mieux comprendre le phénomène qui fait glisser un enfant vers l’évitement de l’autre parent», a ajouté l’experte, par ailleurs membre du Comité international pour la dignité de l’enfant.
Contactée par L’Impertinent, la psychologue clinicienne, docteure en psychopathologie et écrivaine Ariane Bilheran ne remet pas en cause l’existence de situations d’emprise psychique de parent sur l’enfant, ou encore, pour les cas les plus sévères de psychose paranoïaque, de «folie à deux». Toutefois, selon l’auteure de Psychopathologie de la paranoïa, «ces situations correspondent à des critères beaucoup plus précis que le «SAP», et obligent à approfondir les situations cliniques, sans omettre d’emblée, comme c’est souvent le cas avec le SAP, l’hypothèse que les déclarations de l’enfant soient vraies». L’experte française est d’avis que «les institutions se font malheureusement très souvent manipuler par des processus pervers et paranoïaques pour retourner la culpabilité contre la victime et le parent protecteur».
Privilégier le dialogue entre ex-conjoints
Pour Me Anaïs Brodard, avocate spécialisée en droit de la famille, médiatrice FSA et formée au droit collaboratif, le dialogue parental est le meilleur moyen pour atténuer la souffrance de l’enfant. «Trouver des solutions sans passer par un tribunal facilite le dialogue entre les ex-conjoints et, par conséquent, la prise en charge de l’enfant par chacun des parents. Cet environnement non conflictuel va notamment favoriser des contacts de qualité entre l’enfant et le parent non gardien. Dire du mal de l’autre parent à l’enfant est délétère pour le développement de celui-ci», défend l’avocate vaudoise.
Dommage de n'avoir pas parler du danger de l'utilisation abusive de cette 'alliénation parentale' contre le parent ( souvent la mère) lorsqu'il dénonce des abus sur l'enfant. Le parent protecteur se voit accusé , l'enfant pas entendu ni cru et non protégé du parent abusif...parfois même séparé du parent protecteur. Et des cas, il y en a malheureusement
Composée ou décomposée, la famille peut selon les circonstances être le lieu « des pleurs et des grincements de dents «, le lieu de la souffrance qui n’épargne aucun de ses membres. La médiation qu’évoque Me Anaïs Brodard est un processus plus humainement empathique que les confrontations de prétoire. Une écoute individuelle est donnée à chacun, les besoins sont clarifiés, un modus vivendi est élaboré et un accord commun peut être trouvé hors décision d’autorité. Encore faut-il que ce processus volontaire soit choisi par les parents, pour eux d’abord et si possible en y intégrant les enfants. À défaut, le juge fera froidement son office légal sur la base de sa perception possiblement lacunaire de la situation. La responsabilité relationnelle…