L’initiative populaire fédérale «Sauvegarder la neutralité suisse» a été déposée à la Chancellerie fédérale le 11 avril dernier par le comité d’organisation de la Neutralitätsinitiative.
Ce texte est signé François Meylan, conseiller financier indépendant, chef d’entreprise et ancien officier de renseignement dirigeant au sein des Forces aériennes suisses
Avec quelques 129’806 signatures valables, le dépôt du texte qui vise l’adoption d’un nouvel article constitutionnel (l’art. 54a) a pour le moins le mérite d’inviter à un débat aussi nécessaire que pédagogique. En premier lieu, parce que les décisions de notre Conseil fédéral (CF) qui font polémiques ne cessent de se multiplier. Entre autres, celle de reprendre à sa charge l’ensemble des sanctions prises par la Commission européenne à l’encontre de la Fédération de Russie; celle de poursuivre le commerce des armes avec Israël; celle d’un criant silence face aux agressions répétées contre le territoire souverain du Liban; celle d’organiser le sommet inutile de Bürgenstock ou encore celle de travailler avec PESCO, une structure de l’Union européenne (UE) qui permet aux services de sécurité de l’État ukrainien – le tristement célèbre SBU – de s’entraîner à la cyberguerre sur notre territoire.
Ensuite, sur le plan pédagogique parce que trop souvent le public comme nos médias confondent la neutralité perpétuelle et armée de la Suisse avec la politique de neutralité. Le projet de nouveau texte législatif – proposé il est vrai par un comité teinté aux couleurs de l’UDC – propose de fixer dans le marbre de la Constitution les contours mêmes de l’exercice de la politique de neutralité. Plus précisément et conformément à cette disposition, la Suisse ne pourra adhérer à aucune alliance militaire ou défensive et elle ne pourra coopérer avec une telle alliance uniquement en cas d’attaque militaire directe contre le pays, ou en cas d’actes préparatoires à une telle attaque.
Viola Amherd nous rapproche chaque fois plus de l’OTAN
La Suisse ne pourra en outre pas participer aux conflits militaires entre États tiers et ne pourra pas non plus prendre de mesures coercitives non militaires, c’est-à-dire de sanctions, contre un État belligérant. Enfin et comme le rappelle le portail du gouvernement suisse dans son communiqué du 26 juin 2024, la disposition prévoit que notre pays fera usage de sa neutralité pour mettre à disposition ses services en qualité de médiatrice. Les initiants sautent à pieds joints dans la soupe souvent épaisse de l’exercice de la politique de neutralité. On y voit également une volonté de contenir les aspirations de la ministre de la Défense et accessoirement présidente de la Confédération Viola Amherd, qui nous rapproche chaque fois plus de l’OTAN.
Mais qui ou quoi peut motiver la responsable de l’Armée à piétiner l’esprit de la sacro-sainte neutralité helvétique? Pour la politique vaudoise Suzette Sandoz, interviewée sur le plateau d’Antithèse le 20 juin 2023, il apparaît difficile pour nos ministres de résister au narcissisme et au qu’en-dira-t-on des puissants, tels que la Commission européenne et la Maison Blanche. De son côté, l’ancien ambassadeur Georges Martin rappelle que notre pays a aussi un État profond qui rêve que la Suisse soit le 33ème membre de l’OTAN.
L’Organisation de l’Alliance Atlantique Nord, qui, faut-il le rappeler, n’est plus une alliance défensive depuis fort longtemps. Du moins, depuis qu’elle fomente des guerres sans aucune résolution de l’ONU – lire à ce propos l’ouvrage de Daniele Ganser Les guerres illégales de l’OTAN – ou depuis qu’elle entraîne ouvertement les soldats ukrainiens à faire la guerre à la Fédération de Russie… déjà en 1995!(1)(2) Ou plus près de nous avec sa Déclaration du sommet de Madrid, à l'été 2022, dans laquelle elle désigne ouvertement la Chine comme menace existentielle: «Nous nous trouvons face à une compétition systémique de la part d’acteurs, parmi lesquels la République populaire de Chine, qui portent atteinte à nos intérêts, à notre sécurité et à nos valeurs, et qui cherchent à fragiliser l’ordre international fondé sur des règles.»
Qu'en est-il de la genèse de la neutralité helvétique?
Celle-ci est décidée lors du Congrès de Vienne, au printemps 1815, par les puissances européennes qui ont vaincu Bonaparte. Au mois de novembre de la même année, elle est inscrite dans le Traité de Paris. Elle stipule bien qu’il s’agit d’une neutralité permanente et armée. En 1848, elle est inscrite pour la première fois dans la Constitution et son cahier des charges est ratifié lors de la Convention de La Haye en 1907. En résumé, la Suisse ne peut prendre part à aucun conflit armé, ni y envoyer ses soldats à l'étranger.
Ce qui laisse une grande latitude aux autorités helvétiques quant aux modalités de la revendication de la neutralité.
Quid de la politique de neutralité?
C’est l’affirmation de notre neutralité selon les circonstances et les protagonistes du moment. Soit une diplomatie à géométrie variable. Les nombreux exemples qui émanent des deux guerres mondiales sont éloquents: tantôt banquière du III Reich; tantôt sanctuaire des services secrets alliés; tantôt vague de licenciements des employés juifs de la compagnie Swissair; tantôt terre d’asile pour les persécutés du Vieux Continent. En passant par dicter au Comité International de la Croix Rouge (CICR) la ligne à adopter et par la transformation des manufactures horlogères genevoises en usines à munitions pour les nazis. Comme le rappelle Suzette Sandoz, la neutralité est la position la plus difficile à tenir. C’est une posture courageuse et honorable pour l’ex-ambassadeur Georges Martin. C’est surfer sur la crête. C’est une posture d’équilibriste avec, comme priorité absolue, les intérêts de la nation. Elle a préservé les Suisses de la guerre. Mais, elle a aussi rendu de nombreux services aux grands de ce monde.
Le Conseil fédéral tente de tuer le débat
La démarche de la Neutralitätsinitiative est louable. Amener le débat sur ce qui constitue la pierre angulaire de l’ADN et de la cohésion helvétiques qui a déjà plus de deux siècles, dans un monde qui change.
Cependant, ce n’est pas l’avis du Conseil fédéral qui, dans son message du 26 juin 2024, propose de rejeter l’initiative sur la neutralité sans même lui opposer un contre-projet. Une fois n’est pas coutume, c’est tenter de tuer le débat. Finalement et comme pour les mesures d’exception prises lors de la crise Covid-19, ce sera au peuple de décider par le biais des urnes.
Le SBU est connu, entre autres, pour liquider les négociateurs de paix, pour ses exécutions extrajudiciaires, pour soutenir le site internet Mirotvorets qui fait l’apologie de la violence et du meurtre. C’est l’Ukraine qui est appelée à rejoindre le programme Pesco aux côtés de la Suisse. C’est pour cela que l’auteur de l’article ne mentionne pas le FSB. La Fédération de Russie n’a pas été invitée à rejoindre ce programme de collaboration en matière de cyberdéfense et de transit d’armées étrangères sur le territoire helvétique.
est-ce que françois meylan pourrait expliciter en quoi le sbu serait "tristement célèbre"?
pourquoi n'a-t-il pas l'honnêteté intellectuelle de s'en prendre au fsb qui est le service secret le plus malfaisant avec le mossad dans notre région du monde?
il ne fait bien-sûr que relayer la propagande du régime russe selon lequel la destruction de l'ukraine par la russie serait la faute des ukrainiens et des occidentaux.
la neutralité de la suisse était nécessaire au début du 19ème siècle lorsque la suisse ou des portions de la suisse risquaient d'être annexées par les régimes français ou allemand; de plus, elle était utile pour la cohésion du pays.
le danger d'annexion n'existe plus et la cohésion de la suisse ne dépend…
Merci à François Meylan de nous proposer ce texte qui ouvre à la réflexion. Merci à Amèle Debey d’ouvrir ses colonnes à ce débat très important et pour tout dire crucial. Il y a le choix d’une vision et d’un chemin pour notre pays derrière cette votation.
Bonjour Amèle,
Tout d'abord félicitations pour votre engagement, et merci pour l'Impertinent. Il faut plus de personnes comme vous qui donnent de la voix car la plupart des gens sont lobotomisés.... c'est triste.
Je suis retraitée et très déçue par nos politiciens qui tiennent plus à plaire à l'UE et aux States qu'aux besoins de la Suisse et de son Peuple.
Après je me suis demandée si d'avoir autorisé la gestion des 44 Milliards de la Caisse AVS des Suisses par un fond de pension américain, cela depuis 10 ans, pouvait faire que nos politiciens n'ont aucune liberté de mouvement ou est-ce parce qu'ils sont tout simplement incompétents???? On est en droit de se demander si cet argent pourrait êtr…