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Article rédigé par :

Suzette Sandoz

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La liberté d’expression est-elle possible dans une société globalisée?

Dernière mise à jour : 20 mars

liberté d'expression
© Shutterstock

La liberté d’expression est une notion délicate, car elle implique deux éléments indissociables et pourtant totalement distincts l’un de l’autre:


1) un rapport avec l’État, soit avec l’autorité politique;


2) la prise en compte par celui qui se prévaut de cette liberté des conséquences sociales éventuelles des idées ou des opinions qu’il exprime (= responsabilité personnelle de celui qui se prévaut de la liberté d’expression).


1)    Liberté d’expression par rapport à l’État ou au pouvoir politique.


Nos pays démocratiques respectent en général la liberté d’expression: les critiques du pouvoir n’entraînent pas de sanctions, pas d’emprisonnement ou de risque particulier, sauf évidemment s’il y a faux, tromperie dans l’information ou diffamation, soit un acte pénal.


Des lois votées démocratiquement (donc chez nous en Suisse, soumises au référendum) peuvent toutefois introduire une limite à la liberté d’expression. Je pense notamment au fameux art. 261 bis du code pénal intitulé «discrimination et incitation à la haine», lequel étend peu à peu la liste des personnes qui, protégées par une menace de sanction pénale, ne doivent pas risquer d’être victimes de discrimination ou d’incitation à la haine, sous-entendant ainsi qu’en dehors de ces situations, les incitations à la haine sont légitimes, ce qui, d’un point de vue éthique, est évidemment faux. Mais la menace pénale, outre la protection d’éventuelles victimes, tend aussi à éviter des désordres sociaux dans la mesure où les actes menacés de sanction pourraient provoquer de tels désordres en fonction de l’importance et de la susceptibilité des groupes ou des personnes protégés.


Cet article pénal constitue une restriction de la liberté d’expression, en particulier parce que son interprétation est très subjective.


Il marque le passage entre le premier des deux éléments indissociables de la liberté d’opinion – le rapport à l’Etat – et le second, soit la question de la responsabilité personnelle et sociale de celui qui s’exprime.

 

2)    La responsabilité personnelle de celui qui s’exprime = l’autocensure


Comme toute liberté, la liberté d’expression n’a de sens que par rapport à d’autres personnes susceptibles d’avoir accès aux opinions exprimées et implique naturellement, de ce fait, la responsabilité de celui qui s’exprime. Aucune liberté n’a de sens pour elle-même. La liberté d’expression qui implique la manifestation publique d’une idée, d’une opinion, d’une motivation, etc. est reçue par un public auquel elle est plus ou moins destinée. Celui qui s’adresse à un public qu’il connaît sait ce qu’il peut lui dire, pour lui plaire, l’amuser, même peut-être le heurter, mais sans déclencher de désordre social. La grande question est de savoir quel est le public auquel on s’adresse.


Quand une société est bien connue de celui qui s’exprime, qui en partage la culture, les défauts et les qualités, la liberté d’expression est très grande. Des difficultés apparaissent au fur et à mesure qu’une société non seulement se diversifie, mais qu’elle ne répond plus à la même culture, aux mêmes valeurs. La globalisation actuelle de la société, les brassages de cultures, la suppression de toute frontière culturelle à cause des réseaux rendent très difficile l’appréciation des réactions possibles à la suite de l’expression de telle ou telle opinion, idée, voire image comique ou critique. Celui qui veut éviter des conséquences néfastes, voire dangereuses, va pratiquer une autocensure qui peut réduire considérablement sa propre liberté d’expression. Les groupes de pression économiques qui façonnent les informations selon leurs besoins, les mouvements LGBTQA+, MeToo, Woke qui font corriger les faits historiques, modifier les livres, voire les interdire, etc. sont à l’affût de tout ce qui pourrait justifier leur intervention menaçante contre l’auteur d’une opinion exprimée publiquement à leur sujet, qui leur déplaît ou leur semble injuste.


Le massacre à la rédaction de Charlie Hebdo aurait-il eu lieu si les caricatures avaient été publiées dans les années cinquante? Elles n’auraient alors peut-être pas attiré l’attention d’autres personnes que les lecteurs du journal, qui auraient ri.

 

Nous vivons une époque très défavorable à la liberté d’expression.


Contrairement à ce que l’on pourrait croire à cause du déferlement libre d’états d’âme et de nouvelles plus ou moins fiables sur les réseaux, notre époque n’est pas du tout favorable à la liberté d’expression. Il est évidemment impossible – et ce ne serait pas souhaitable non plus – de fermer nos communautés nationales, de couper les relations techniques, mais la situation est inquiétante. Que faire?


Notre première démarche pourrait être de contribuer à recréer le plus possible l’unité culturelle de nos sociétés nationales, entre autres par une scolarité axée sur la culture locale, sur la ou les langues du pays, la transmission des valeurs constitutives de cette société, de l’histoire. Les personnes venues d’autres pays doivent être éduquées, formées comme les autochtones, de manière à cimenter leur fidélité à la société qui les accueille et leur volonté de s’y fondre. Le communautarisme est un fléau: il entretient le sentiment d’un droit à ne pas faire partie de la société dans laquelle on cherche refuge, d’un droit à un traitement à part. De beaux esprits ont abondamment critiqué, il a plusieurs années, le concept d’assimilation des personnes étrangères, criant à l’atteinte à leur liberté culturelle. Nous sommes tombés dans ce premier piège. Il est temps de le dénoncer.

 

La liberté d’expression ne peut exister qu’au sein d’une société pétrie de valeurs et de références communes.

 

La précédente chronique de Suzette Sandoz:



1 Comment


Lou24
il y a 4 jours

Billet qui incite à la réflexion... merci Mme Sandoz

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