top of page
Rechercher

La guerre catastrophique imminente contre la Vie dans les abysses

Photo du rédacteur: Paul WatsonPaul Watson
Le capitaine Paul Watson s'entretenant avec John Shaw, président et directeur général d'Ocean Management, sur le quai d'Honolulu en 1977 avec la première cargaison de nodules de ferromanganèse extraits du fond de l'océan par le navire minier Sedco 445.
Le capitaine Paul Watson s'entretenant avec John Shaw, président et directeur général d'Ocean Management, sur le quai d'Honolulu en 1977 avec la première cargaison de nodules de ferromanganèse extraits du fond de l'océan par le navire minier Sedco 445.

Par le Capitaine Paul Watson


Je vais remonter dans le temps jusqu'en avril 1977, au Quai 32 à Honolulu, où j'observais le déchargement d'une cargaison de roches de la taille d'une pomme de terre depuis un navire minier libérien nommé le Sedco 445.


John L. Shaw, le président et directeur général d'Ocean Management Inc., me faisait visiter le Sedco 445, premier navire à mener une opération d'exploitation minière en eaux profondes.


Le Sedco 445 venait de revenir d'un site minier situé entre 1300 et 1600 kilomètres au sud-ouest d'Hawaï, d'où il avait remonté un flux continu de matériaux d'une profondeur de 17'000 pieds, soit 5 kilomètres.


Je ramassais une roche qui ressemblait à une pomme de terre noire et M. Shaw m'informait que chacune de ces roches avait mis plus de 200 millions d'années à se former sur le fond marin, et contenait jusqu'à trente minéraux différents, les trois quarts du contenu de chaque nodule étant du nickel.

DEME

Selon Shaw, les nodules se sont formés sur des millions d'années lorsque des débris, comme des dents de requin ou des arêtes de poissons, servaient de noyau pour rassembler des minéraux traces. On estime que les nodules grandissent d'environ un millimètre tous les mille ans. Dans certaines zones benthiques (relatives aux fonds marins, ndlr), il y a des milliards de ces roches de la taille d'une pomme de terre, chacune grouillant de minuscules organismes marins.


Les voyages exploratoires ont été inspirés par John L. Mero en 1965, avec son estimation de vastes nodules de ferromanganèse (Fe-Mn) dans l'océan Pacifique. Il spéculait que le fond marin du Pacifique contenait une réserve illimitée de métaux, dont le manganèse, le cuivre, le nickel, le cobalt, le lithium, le zinc et le molybdène. C'était suffisant pour faire saliver les grands intérêts miniers devant les possibilités d'exploitation.


Depuis 1965, les océanographes ont estimé que ces nodules pourraient contenir jusqu'à deux billions de tonnes de minerai, plus que tous les gisements terrestres réunis.


Le 19 avril 1977, je regardais le Sedco 445 quitter Honolulu pour retourner sur le site minier afin de récupérer une seconde cargaison de nodules, expérimentant une deuxième méthode de récupération.


Le premier test avait été réalisé avec succès à l'aide d'un système de pompes hydrauliques. Le second test créait un vide humide pour aspirer les nodules du fond océanique.


J'exprimais mes inquiétudes à John Shaw et lui demandais s'ils avaient mené des recherches sur les possibles dommages écologiques. Ce n'était pas le cas.


Sa préoccupation principale était économique, et il m'a dit que le prix actuel du nickel ne pouvait pas justifier une exploitation à grande échelle.


«Nous en avons la capacité,» disait Shaw, «mais, mis à part le délai politique, le marché actuel du nickel est bas. Nous pouvons nous permettre d'attendre.»

Deep Sea Mining

En fait, en 1977, il était dans l'intérêt d'INCO (International Nickel Company) d'attendre. Un rapport de 1977 du Département du Trésor américain indiquait que «INCO fait figure de protection contre ce qui arriverait si tous ces nodules inondaient le marché du nickel. INCO veut probablement étouffer l'exploitation minière océanique.»


INCO, en tant qu'entreprise dominante mondiale, dépendait du maintien du contrôle de l'approvisionnement international en nickel.


Le vice-président d'INCO de l'époque, chargé de l'exploitation minière océanique, Alfred Statham, a avoué au comité du Sénat américain que «le fait que nous soyons le seul consortium peut nous donner une perspective différente.»


En 1977, quatre consortiums redoutables, tous désireux de s'emparer d'une grande partie du territoire océanique, sont prêts à livrer bataille à INCO. Outre le rival de longue date d'INCO, la société Le Nickel SA, propriété des Rothschild, trois nouveaux venus dans l'exploitation du nickel sont entrés en scène: Kennecott Copper Corporation, U.S. Steel Corporation et Lockheed Aircraft.


U.S. Steel, le plus grand consommateur de nickel et de manganèse au monde, espérait que l'exploitation minière en eaux profondes fournirait deux alliages essentiels permettant à l'entreprise de rompre sa dépendance vis-à-vis d'INCO.


Lockheed, l'opérateur du Glomar Explorer, le navire construit par Howard Hughes pour la CIA, espérait que l'exploitation minière en eaux profondes, étant une industrie hautement technologique, générerait d'importantes subventions gouvernementales.


Mon intérêt à l'époque était l'impact écologique. Le nickel ne compose que 1,5% du contenu des nodules. 70% du matériau récupéré est donc un déchet sans valeur.


M. Shaw me disait que «l'exploitation des nodules est écologiquement sûre, il n'y a pratiquement aucun effet secondaire environnemental.»


Il ajoutait: «Nous avions des inspecteurs fédéraux de la NOAA (Administration nationale océanique et atmosphérique) avec nous, ils ont été témoins de nos opérations et ont donné leur approbation. Ils ont observé la situation et n'ont trouvé aucun problème environnemental sérieux.»


Cependant, le Dr Robert Burns, l'un des océanographes qui accompagnait le Sedco 445, expliquait que «si j'étais lui (Shaw), j'interpréterais probablement nos conclusions de cette façon. C'est bien sûr dans son intérêt de le faire.»


Burns ajoutait qu'une seule opération réelle d'exploitation minière en eaux profondes avait été observée, celle-là même qu'il venait de mesurer sur le Sedco 445. Il était, selon lui, trop prématuré pour établir une déclaration définitive dans un sens ou dans l'autre.


«Il s'agissait d'un effet d'échelle à court terme. Il y avait beaucoup d'eau boueuse. Nous n'avions vu aucun signe de pollution, mais dans une opération à grande échelle, nous ne pouvons pas encore dire quel sera l'effet. Quiconque affirme le contraire ne fait que spéculer».


D'autres scientifiques très réputés et respectés à l'époque n'ont pas caché leur scepticisme.


Selon un rapport publié par l'océanographe Karl Turekian de Yale, si les déchets sont déversés en surface, les résidus peuvent mettre des années, voire des décennies, à atteindre le fond. Les courants océaniques répandront la poussière, la vase et les débris sur de vastes étendues du Pacifique. M. Turekian a estimé que si tous les projets miniers prévus à l'époque étaient autorisés et mis en oeuvre au milieu des années 80, plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés du Pacifique pourraient être contaminés d'ici la fin du siècle.


Heureusement, pour des raisons économiques et politiques, cette prédiction ne s'est pas réalisée.


Pourtant, près d'un demi-siècle plus tard, cette menace pourrait s'avérer bien réelle.


En effet, les résidus métalliques des nodules broyés pourraient être consommés par les poissons, les baleines et autres formes de vie marine avec des effets potentiellement nocifs. Les humains seraient susceptibles d'être empoisonnés aux métaux lourds en consommant du poisson.


Les sédiments qui s'enfoncent lentement et les bactéries qui y adhèrent consomment de l'oxygène dans les zones benthiques plus profondes où l'oxygène est rare. La compétition pour l'oxygène qui en résulterait aurait un effet néfaste sur les organismes vivant dans un tel environnement. Lorsque les sédiments atteindront finalement le fond marin, à une profondeur de 5 à 6 kilomètres, la couche de boue asphyxiera la plupart des formes de vie qui y sont.

Selon une étude menée par l'Observatoire géologique Lamont-Doherty de l'Université Columbia, l'extraction des nodules pourrait avoir de graves conséquences. L'étude a souligné qu'on ne saurait pas combien de temps les espèces benthiques auraient besoin pour repeupler les sections dévastées du fond marin. On ne saurait pas non plus comment l'épuisement de la vie benthique impacterait la chaîne alimentaire à travers tout l'écosystème océanique.


Une autre préoccupation sérieuse est la possibilité que des spores ou des bactéries dormantes ayant reposé sans être dérangées pendant des éons puissent être libérées à la surface parmi des formes de vie qui n'ont aucune immunité.


J'ai parlé avec le Dr Roger Payne en 1977 de ces préoccupations et il a ajouté son point de vue selon lequel les sédiments lourds pourraient perturber le transfert des ondes sonores sous la surface de la mer, affectant la communication et la migration des baleines, perturbant les systèmes sociaux des espèces.


En admettant que les préoccupations écologiques puissent être ignorées, les conséquences potentielles pour la Marine américaine seraient alarmantes pour le Département de la Défense. Si le sonar des baleines et des dauphins est affecté, le sonar bionique employé par la Marine américaine le serait aussi. Cette technologie conçue pour imiter les sons marins, en particulier les sons des baleines pour éviter la détection ennemie.


Les missiles dormants qui avaient été placés sur le fond océanique par le Glomar Explorer seraient également affectés et possiblement rendus inopérantes. Les signaux haute fréquence qui lanceraient les missiles pourraient être absorbés ou déviés par le sédiment à la dérive.


En août 1977, le Secrétaire adjoint à la Défense David McGilbert déclarait à un comité du Sénat que son département ne voyait aucun besoin immédiat de ressources minérales du fond marin.


«La Marine, a-t-il dit, ne se réjouit pas à la perspective d'avoir à défendre les navires miniers lents et encombrants en haute mer.»


M. Gilbert affirmait au Sénat que la marine souhaitait que le droit de la mer soit respecté. Il précisait également que la colère de tiers pourrait entraîner la fermeture de détroits et de canaux essentiels utilisés par les navires de la marine.


En 1977, le gouvernement d'Hawaï ne se souciait pas des conséquences écologiques. Selon le gouverneur George R. Ariyoshi, le projet créerait des emplois et des investissements. C'était sa seule préoccupation.


John Shaw disait que «Hawaï est certainement le mieux situé géographiquement, et j'ai été impressionné par l'attitude des responsables du développement industriel.»


En 1977, le département de planification de l'État d'Hawaï préparait un document intitulé «The Feasibility and Potential Impact of Manganese Nodule Processing» (Faisabilité et impact potentiel du traitement des nodules de manganèse).


Selon cette étude, les nodules pourraient être transportés dans des barges jusqu'au port d'Hilo et pompés sous forme de boue dans un pipeline, les déchets seraient ensuite pompés jusqu'au port et chargés dans des barges pour être renvoyés et mis en décharge. Le rapport ne prévoyait aucun impact significatif sur l'environnement, sauf en cas d'accident.

En plus de minimiser l'impact sur l'environnement océanique, le rapport a complètement ignoré le fait que le raffinage des métaux, en particulier le raffinage du nickel, nécessite de grandes quantités d'énergie et d'eau et produit des fumées toxiques. Il suffit de visiter la plus grande mine de nickel à Sudbury, dans l'Ontario, au Canada, pour se rendre compte de la toxicité de l'affinage du nickel.


C'est ce que j'ai rapporté en 1977. Et, depuis un demi-siècle, j'observe la menace toujours imminente de l'exploitation minière en eaux profondes. À ce jour, les environnements en eaux profondes ont été relativement protégés par les coûts élevés associés au développement industriel à grande échelle, les préoccupations des militaires et la sensibilisation croissante à la menace pour les écologies des grands fonds que l'exploitation minière benthique causera certainement.


Cependant, les choses changent, et pas pour le mieux


Depuis 2001, l'Autorité internationale des fonds marins (ISA), un organisme intergouvernemental chargé de réglementer l'exploitation minière en eaux profondes dans les zones au-delà des juridictions nationales, a accordé 31 licences d'exploration à des entreprises privées et des agences gouvernementales. L'organisation n'approuvera probablement pas les demandes d'exploitation commerciale tant que son conseil composé de 36 membres n'aura pas atteint un consensus sur les règles concernant l'exploitation et l'environnement. Les États membres se sont fixé un calendrier jusqu'en 2025 pour finaliser et adopter les réglementations.


Aujourd'hui, la technologie a considérablement progressé et le prix de ces métaux a fortement augmenté, offrant à la fois une motivation financière et une accessibilité.


L'industrie minière voit une vaste zone avec des billions de «roches» faciles à récolter. Ce que l'industrie ne voit pas ou refuse de voir, c'est qu'il s'agit d'un vaste écosystème vivant fini qui a évolué sur des centaines de millions d'années. Ces nodules ne sont pas renouvelables et l'exploitation minière éradiquera des écosystèmes extrêmement vastes, les machines produiront des ondes sonores à haut décibel qui auront un impact dévastateur sur les organismes vivants et les sédiments étoufferont la vie qui survit et elle ne s'en remettra jamais, du moins pas avant quelques centaines de millions d'années.


En plus d'aspirer les roches, l'industrie envisage de racler les flancs des volcans sous-marins pour extraire la croûte de cobalt et de creuser profondément dans la boue benthique pour extraire d'importants dépôts de sulfures autour des sources hydrothermales.


L'exploitation minière en eaux profondes causera plus de destruction sur la planète que la déforestation de l'Amazonie et des forêts tropicales indonésiennes. Mais cela se fera sans cicatrices visibles où les écosystèmes touchés resteront cachés à la vue et deviendront d'immenses zones mortes invisibles, et l'impact sur l'atmosphère de la planète et l'écologie océanique sera immense.


Comment cela affectera-t-il les populations déjà diminuées de phytoplancton qui fournissent jusqu'à 70% de l'oxygène dans l'atmosphère? Comment cela affectera-t-il les populations déjà diminuées de krill, le fondement de la pyramide alimentaire dans la mer? Comment l'exploitation minière en eaux profondes influencera-t-elle le climat, le mouvement des courants et la migration et la viabilité de la vie marine? L'industrie n'a pas répondu à ces questions parce qu'il n'y a pas de réponse qu'elle reconnaîtrait et que de telles réponses l'exposeraient en tant que précurseur de la destruction mondiale.


À l'heure actuelle, il n'existe tout simplement pas de cadre réglementaire pour l'exploitation minière à l'intérieur ou à l'extérieur des zones d'exclusion économique.

Des conflits territoriaux apparaissent déjà. La Norvège et la Russie veulent toutes deux exploiter les fonds marins de l'océan Arctique. La Chine explore avec avidité les moyens d'exploiter la mer de Chine méridionale, ce qui posera des problèmes aux Philippines, au Viêt Nam et au Japon, et cette lutte pour le contrôle se déroule sur une planète qui compte déjà plus de 100 différends maritimes non résolus.


L'acidification, la diminution des espèces, le plastique, le bruit et la pollution chimique mettent déjà à rude épreuve les processus biologiques qui maintiennent l'océan en bonne santé.


Il semble que l'exploitation minière à grande échelle des grands fonds marins pourrait commencer d'ici 2026 et, si elle est autorisée, les conséquences mondiales pourraient être catastrophiques.

 

La précédente chronique de Paul Watson:


2 Comments


Les dérives de quelques dirigeants politiques et leurs amis milliardaires ne sont pas non plus très rassurantes sur ce sujet... Lorsque des nations devenues le jouet d'une oligarchie devenue démente permettent tout et n'importe quoi pour des raisons idéologiques et financières, le pire est toujours plus qu'une simple probabilité.

Like

Lou24
Feb 23

Evidemment extrêmement préoccupant...

Like
L'Impertinent LOGO 24.jpg

Inscrivez-vous aux alertes de publication :

Merci pour votre envoi !

Faire un don

IBAN : CH52 0900 0000 1555 3871 0

Lausanne, VD

© 2020 L'Impertinent - L'information au service du public

bottom of page