top of page

Article rédigé par :

Amèle Debey

Rechercher

«On agite la guerre pour éviter la révolte citoyenne contre un quotidien de plus en plus dur»

Dernière mise à jour : 24 nov. 2024

Dans un contexte mondial marqué par des tensions économiques et des conflits croissants, l’économiste et politicien français Philippe Murer partage son analyse sur les crises actuelles, notamment autour des enjeux de souveraineté nationale. Dans cette interview exclusive, il explore les liens entre le souverainisme économique et les dynamiques démographiques, tout en évoquant ses craintes face aux bouleversements globaux.

Philippe Murer
© DR

Amèle Debey, pour L’Impertinent: Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas, comment est-ce que vous vous présenteriez?

 

Philippe Murer: Comme un économiste et un simple citoyen français qui s'est engagé en politique parce qu'il sentait que le pays partait en vrille. J'ai commencé à m'engager en politique en 2011, par une action sur le protectionnisme avec Emmanuel Todd, Jacques Sapir et tous les économistes de droite et de gauche hétérodonte, en posant la question aux Français via le sondage: est-ce que les Français veulent du libre-échange, ou du protectionnisme? Je suis donc arrivé en politique un peu par hasard.

 

Comment se concrétise votre engagement politique?

 

A partir de 2012, j'ai compris qu'il fallait absolument sortir de l’Union européenne, qui était en train de nous détruire et qui n’avait aucune chance d’être réformée dans le bon sens. En 2014 j'ai pris le taureau par les cornes et je me suis engagé au Rassemblement National,  avec Marine Le Pen. Sur l'économie, nous défendions la même chose, et plus généralement, sur la souveraineté nationale de la France, qui est absolument nécessaire. Ainsi que sur la souveraineté populaire, avec le référendum d'initiative citoyenne.

 

Sur le problème des flux d'immigration, nous défendions également la même chose, puisque j'étais convaincu qu'il fallait limiter ces flux d'immigration dès cette époque-là. Je me suis donc lancé en politique avec elle et cela a duré tout le temps où Marine le Pen a défendu les idées de souveraineté nationale et de restauration de l'indépendance de la France. Quand elle a décidé d’arrêter de défendre la sortie de l’Union européenne en septembre 2017, j’ai démissionné.


«On a des chefs de partis qui ne veulent pas s'unir»

 

J'ai essayé pendant cinq ans de réaliser l'union des souverainistes. Parce que je pense que les souverainistes français sont éclatés en trois partis, à la tête desquels, trois personnalités: Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot et François Asselineau, et que c'est la cause de la déroute – en tout cas électorale – des idées souverainistes en France.

 

Pas moins de 36% des Français sont pour sortir de l'Union européenne, selon deux sondages sortis récemment. Malheureusement, on a des chefs de partis qui ne veulent pas s'unir. J'ai essayé de les unir dans un parti commun pendant cinq ans. Ils ne veulent pas. En désespoir de cause, on a co-fondé à trois, avec Olivier Piacentini et Laurent Henninger, un parti politique qui s'appelle le Mouvement politique citoyen, qui a pour but de rassembler tous les souverainistes et créer un programme pour sortir la France des crises dans lesquelles elle est engluée.

 

Pourquoi ne veulent-ils pas s’unir? Est-ce une question d’égo?

 

Il faudrait leur demander. Ils portent une contradiction fondamentale: quand on dit que la France est en train de couler et de s'enfoncer dans des crises multiples de plus en plus graves, et qu'on refuse de s'unir, alors qu’on partage les mêmes idées, il y a un problème. Les seules choses qui ont été possibles, ce sont des alliances ponctuelles, pour les élections. C'est beaucoup trop tard pour que cette stratégie fonctionne car ce que les Français demandent, c’est un parti qui aurait la force de les sortir des problèmes. Comme ces partis font désormais de tout petits scores, évidemment les Français ne veulent pas voter pour eux et ces partis continuent à s’enfoncer dans une spirale négative.

 

Vous avez commencé votre carrière politique au Parti socialiste pour terminer chez Marine le Pen. Que s’est-il passé?

 

Jeune, je n'avais pas beaucoup de culture politique. Je me sentais plutôt de gauche, touché par la question sociale étant moi-même d’une famille avec peu de moyens, puis à partir de l’an 2000, j'ai commencé à me poser des questions. Ensuite a eu lieu l'élément fondateur du référendum constitutionnel européen, sur lequel il me semblait évident qu'il fallait voter non. La gauche a majoritairement voté oui. J'ai essayé de les faire basculer vers le protectionnisme économique. Vers une politique patriote protectionniste pour la France. Ils étaient contre. Alors j’ai divorcé en 2006.

 

A partir de là, j'ai démarré un cheminement intellectuel. J'ai lu pas mal de bouquins, je me suis éduqué politiquement, je me suis rendu compte que je n'étais pas de gauche, mais gaulliste (après avoir lu de nombreux livres écrits par ou sur de Gaulle), ce qui veut dire ni de gauche, ni de droite. Personne dans la classe politique ne représentait le gaullisme, ne parlait sincèrement du gaullisme à cette époque-là. Le deuxième élément fondateur, c'est que j'ai compris le problème de l'immigration qu’il fallait absolument maîtriser, voire arrêter. C’est ce qui m'a fait basculer: comme de nombreux Français, j’ai compris qu’il était nécessaire d'arrêter les flux d'immigration.

 

Pourtant, l'immigration n’est pas si élevée que cela en France, non? Comparativement avec la Suisse, qui est un exemple en termes d’intégration réussie.

 

L’intégration réussit peut-être un peu mieux en Suisse parce que l’économie croît, donc c'est plus facile d'intégrer les gens par le travail. Après, je ne suis pas du tout sûr que ce soit une bonne idée pour la Suisse de continuer à avoir des flux d'immigration élevés. Vous semblez d'ailleurs vouloir les limiter, si on en croit le dernier référendum à ce propos. Les politiques suisses n’ont pas suivi la demande des citoyens. Ce n’est donc pas si simple que cela.

 

Je parle pour la France gaulliste, je ne fais pas d'ingérence dans les pays étrangers. Je n’ai pas de conseil à leur donner. En France, l’immigration est devenue un problème majeur. L'intégration et l'assimilation étaient beaucoup plus fortes dans les années 90 qu'aujourd'hui. Pour des raisons, je pense, de quantité. Comme disait Sonia Mabrouk – journaliste d’origine tunisienne – on peut assimiler des individus, mais pas des peuples. Or, là, ce sont des peuples qu'on est en train d'essayer d’assimiler. Un demi-million de personnes par an arrivent en France. C'est complètement impossible d'assimiler les gens dans ces conditions. La société est devenue de plus en plus conflictuelle, avec une montée des violences et une montée de la méfiance, sinon du multiracisme de tous les côtés. Y compris des communautés les unes envers les autres.

 

Le peuple français demande depuis vingt ans l'arrêt des flux d'immigration. Cela fait au moins depuis 2007 que 70% des Français disent qu'il y en a trop. Il est fondamental de ne pas confondre le fait de vouloir stopper les flux d'immigration avec le fait de rejeter tous les immigrés qui sont Français. Ce n’est pas la même chose. Il me semble que la démocratie c’est d'écouter cette demande du peuple français. Ce qui montre bien qu'on a un problème de régime très important actuellement en France.

 

Parlons un peu d’économie. Que se passe-t-il avec la dette en France? Et où vont les impôts et les taxes? Car apparemment, ce n’est pas dans les différents services régaliens.

 

Ça c’est la photo. Parce que l'économie est un cycle en mouvement année après année. Chaque année, vous allez reconsommer les salaires que vous touchez de votre patron, qui vont donc revenir dans les entreprises qui, elles, distribuent des salaires. Les impôts que l'on paye à l'Etat reviennent aussi d'une certaine manière dans l'économie. Soit en aide aux entreprises, soit en aide sociale, soit de diverses manières. Donc, l'économie, c'est un cycle.

 

La photo que vous me faites ne nous dit rien sur l’état de ce fait. Elle donne l’impression d’une certaine logique, mais la réalité est différente. En fait, rien ne va en France: on a une dette publique élevée à 113% du PIB, un déficit public à 6% du PIB, une croissance quasi nulle depuis quatre ans et très faible depuis très longtemps. On est à 0,4% de croissance par an depuis fin 2019. Et on a une poursuite de la désindustrialisation, puisque, sous Macron et c'était pourtant une de ses priorités l'industrie a baissé de 7%.


«Depuis quinze ans, on camoufle le fait que notre économie n'a plus de croissance possible»

 

Si on regarde autour de nous, dans les grands pays européens qui nous sont comparables, rien ne va. La croissance est encore plus faible en Allemagne, en Italie ou en Espagne et même au Royaume-Uni. On a une désindustrialisation à peu près partout, encore plus rapide, en Allemagne d'ailleurs qu’en France. Grosso modo, on a un tableau sombre de l'économie partout en Europe. Donc, le problème n'est pas un problème français, il est européen et même occidental, puisque les États-Unis ont des problèmes un peu différents mais font aussi face à une dette publique qui explose, un déficit public et une croissance d'une très grande fragilité.

 

Pour vous répondre sur votre photo: il y a eu une première période de désindustrialisation de la France depuis 1980-1990.  La clé de la croissance, qui est l'industrie, a de plus en plus disparu. Cela a nécessité beaucoup d'aide aux grands brûlés de la mondialisation: les chômeurs et certaines entreprises. Cela a accru le déficit public. Ensuite, à partir de 2007-2008, la croissance a fini par complètement s'effondrer en France et dans toute l'Europe. Les gouvernements se sont retrouvés à faire des plans de relance systématiques, soit en baissant les impôts des entreprises pour les faire survivre, ou des plans de relance de la croissance, comme après le Covid. Ce qui entraîne encore plus de déficit public. Depuis quinze ans, on camoufle le fait que notre économie, à cause de notre modèle économique français et européen, n'a plus de croissance possible. Le modèle est cassé. Il n’a plus de moteur. En France, on a camouflé le problème par la dépense publique pour essayer de faire quand même avancer la voiture. C’est un échec complet.

 

Dans le pays de la liberté et de l'égalité, il s'agissait de tenir le peuple qui voyait son pouvoir d'achat baisser, il y a donc eu plein d'aides. Notamment des primes pour l'emploi pour les smicards qui n’arrivaient pas à s'en sortir. Encore plus de dépenses publiques qu’ailleurs, pour éviter l'explosion du régime. On a eu les gilets jaunes, mais cela aurait pu être bien pire sans aides pour éviter aux gens d’entrer dans une misère complète.

 

Mais pourquoi? Comment ça se fait? D'où viennent ces problèmes de désindustrialisation?

 

Tous les pays se sont fait écraser industriellement – que ce soit la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou les Etats-Unis – par la Chine et l’Asie en général. Par exemple, l'Allemagne a perdu 15% de son industrie depuis 2017. Et c'est la Chine qui est en train de lui tailler des croupières, en plus de l'énergie chère. On a le même problème massif de désindustrialisation partout.


Pourquoi y a-t-il des petits pays qui s'en sortent, comme la Suisse? Premièrement, c'est un pays qui a une stratégie de niche. Par exemple, elle ne produit aucune voiture, mais elle peut se rattraper en exportant des souris Logitech et d'autres produits de technologie. Ce que ne peut pas faire un grand pays. Un grand pays ne peut pas avoir une stratégie de paradis fiscal, ce qui n’est plus tellement le cas en Suisse non plus.


«La Suisse a la production industrielle par habitant la plus élevée du monde»

 

Deuxième point très important, la Suisse est extrêmement soucieuse de son industrie. Elle a une politique tout à fait gaulliste d'aide très importante à l'innovation et à l'industrie. En fait, c'est un pays libéral dans certains domaines, mais c'est très interventionniste vis-à-vis de l'industrie. Elle a une stratégie tout à fait intelligente. En plus, c’est un peuple relativement discipliné. Évidemment que l'industrie, qui nécessite de la discipline, de la qualité de production, y est favorisée. Depuis quatre ou cinq ans, la Suisse a augmenté de 15% sa production industrielle quand celle de l'Allemagne a baissé de 15%. La Suisse a la production industrielle par habitant la plus élevée du monde, et c'est pour ça que c'est le pays le plus riche du monde. Malheureusement, l'Union européenne a détruit son industrie par des stratégies économiques complètement inadaptées.

 

Quelles sont les solutions pour se sortir de ce marasme?

 

Il n’y a aucune solution pour que l’Union européenne s’en sorte. Son ADN est celui du libre-échange, où il n’y a pas de frontières entre les pays. Ni pour les personnes, ni pour les capitaux, ni pour les marchandises et les services. Elle ne pourra donc jamais être compétitive. En plus de ça, elle n’en a pas l’intelligence stratégique, puisqu’elle est dominée par des bureaucrates et non par des politiques.

 

L'Union européenne va continuer dans sa stratégie du libre-échange, puisque c’est son ADN avec un patriotisme économique absolument minimal et l’énergie chère au nom de l'écologie. Il s’agit d’une institution totalement idéologique, totalement bureaucratique, qui restera sur ses rails jusqu'au bout, ou en tout cas jusqu'à la catastrophe.


«Si les pays occidentaux ne sont pas protégés contre la menace de l'industrie chinoise, ils risquent de subir une destruction absolument majeure»

La Chine a eu une croissance économique exceptionnelle depuis quarante ans en dévorant pas mal d'industries d'autres pays. Beaucoup d'industries sont délocalisées. Aujourd'hui, c'est l'industrie automobile allemande, française et italienne qui commence à se délocaliser. Mais la Chine a un problème de croissance. Elle n'arrive plus à intégrer ses jeunes, dont le taux de chômage est très élevé: il y a un jeune sur quatre au chômage en Chine. Cette baisse de croissance est également la conséquence d’une baisse de la population et de fertilité: moins de consommateurs et moins de producteurs.

 

Pour faire simple, la Chine est complètement bloquée dans la situation japonaise des années 90. C'est-à-dire une bulle immobilière absolument gigantesque qui est en train d'éclater et un problème démographique lié à une baisse de la population qui s'amplifie. La stratégie globale de Xi Jinping, c'est l'autonomie stratégique de la Chine sans s’appuyer sur la croissance. C’est de devenir le premier producteur industriel du monde, le plus innovant et d'exporter à tout-va à l'étranger. Quitte à détruire les industries des autres pays.


Si les pays occidentaux ne sont pas protégés contre la menace de l'industrie chinoise, ils risquent de subir une destruction absolument majeure.

 

Quel est l'impact économique de la gestion de la crise Covid et en ressent-on encore les conséquences?

 

L'impact économique a été de deux ordres: des dépenses publiques ont été faites pour pallier le confinement. Comme on a fermé des bars, des restaurants, des activités entières et imposé des couvre-feux, il a fallu indemniser les gens. Cela a donc eu un coût direct, mais ce qui a été beaucoup plus violent, c'était le coût indirect sous la forme d'une récession hyper violente. En même temps qu'il fallait payer pour les activités fermées, les recettes fiscales s'effondraient, donc le coût global a été une augmentation de la dette publique de trois cents milliards d’euros et l’augmentation de la dette privée dans certains secteurs.

 

C’est un des problèmes, mais ce n'est pas le plus grave. Le plus grave, à mon avis, c'est la guerre en Ukraine. La stratégie de vouloir mettre l'économie russe à genoux, quitte à se passer en partie des sources d'énergie russes – un tiers de notre approvisionnement en Europe – a coûté beaucoup plus cher.

 

Je viens de faire un papier là-dessus. Le coût direct de la guerre pour la France, avec les chiffres officiels que j'ai retrouvés qui, à mon avis, sont un peu minorés, s’élève à 20 milliards d'euros. Cela coûte 20 milliards d'euros aux contribuables français de soutenir à l'Ukraine pour faire sa guerre.


«Le coût global de la guerre en Ukraine et de la stratégie de mettre l’économie russe à genoux a coûté 135 milliards d’euros»

 

En revanche, la guerre économique qui a été lancée contre la Russie et qui découle d’une volonté occidentale collective, emmenée par les Américains, qu’est-ce que ça a coûté? Cela a eu pour conséquences que l’on a essayé de se passer très rapidement d'un tiers de notre énergie. Une énergie peu transportable, notamment le gaz, mais aussi le pétrole. Cela a fait également exploser les prix de l'électricité. On s'est retrouvé avec une explosion des prix de l'énergie, du gaz, de l’électricité mais aussi un peu du pétrole.


Tout cela a obligé un pays comme la France à faire des boucliers énergétiques et des aides aux entreprises, à la fois pour éviter que les gens se révoltent et que les entreprises fassent faillite, mais également pour éviter la ruine et contenir les prix de l'énergie qui étaient en train de détruire l'économie. Cela a coûté 98 milliards d'euros à l’Etat, selon les chiffres d'un rapport du Sénat que je viens de consulter, et les chiffres des Échos pour la partie après 2024. Le coût est gigantesque.

 

A cela vous rajoutez le fait que, comme l'énergie était chère malgré les aides, on s'est retrouvés avec une baisse de la croissance et grosso modo 20 milliards d'euros de recettes fiscales en moins en France, en deux ans et demi. Le coût global de la guerre en Ukraine et de la stratégie de mettre l’économie russe à genoux, c’est 135 milliards d’euros. Et 1,7% de déficit du PIB chaque année depuis 2022. S’il n'y avait pas eu la guerre en Ukraine, on aurait un déficit beaucoup plus bas en 2022 (autour de 3% et 4% en 2023 et 2024).

 

Pourtant on a un peu le sentiment que tout est fait pour faire durer cette guerre. N’est-ce pas d’ailleurs ce qu’il y a de plus bénéfique pour les banques?

 

Il n’y a rien de plus intéressant pour les banques qu'une guerre, et rien de plus intéressant pour une caste en faillite que de faire la guerre pour éviter de montrer le désastre. Tout se justifie, tout devient tellement petit par rapport à la guerre, que vous en oubliez le quotidien. C’est un petit peu ce qui se passe dans tout l’Occident: on agite la guerre pour éviter la révolte citoyenne contre un quotidien qui devient de plus en plus dur. Effectivement, ils font durer la guerre alors qu’il y avait une initiative de paix prise en avril 2022. Quasiment tout le monde était d'accord. Mais cela n'a pas été possible, puisque ces accords de paix ont été sabotés, entre autres, par Boris Johnson qui l’a d’ailleurs reconnu.

 

On continue donc dans cette guerre perdue d'avance. Il y a cinq ou six cent mille morts ukrainiens. C'est une guerre terrible entre frères slaves russes et ukrainiens, qui ont partagé la même destinée en Union soviétique et pendant des centaines d'années pour une partie du peuple ukrainien. C’est une guerre terrible qui continue et qui coûte extrêmement cher, aux Ukrainiens et aux Européens.

 

Le Rassemblement national (RN) ne souhaite plus sortir de l’UE, ne souhaite plus abandonner l’euro. Vous qui connaissez personnellement Marine le Pen, est-elle prête à toutes les compromissions pour arriver au pouvoir?

 

Je n'irai pas répondre sur une question aussi générale. Mais en tout cas, il y a eu l'abandon de la souveraineté nationale. Un tête-à-queue complet, puisque le RN était pour un référendum de sortie européenne et de sortie de l’euro. En 2017, ils ont accepté de passer sous les Fourches caudines des médias, en ne défendant plus la souveraineté nationale. De plus, ils ont accepté petit à petit alors qu'ils étaient obstinément contre la poursuite de la guerre en Ukraine et pour la paix de dire qu’il fallait soutenir l'Ukraine en armements de plus en plus lourds. En fait, la politique de Marine le Pen et du RN, c’est de dire la même chose que Macron avec six mois de retard. C’est la même politique.

 

Effectivement, ils ont cédé sur beaucoup de choses. Ce qui fait qu'ils ne peuvent plus sortir la France de ses crises multiples. Ils ont transigé sur tout, y compris sur l’immigration: ils ne veulent plus sortir de Schengen ni de la CEDH. Grosso modo, le RN est devenu l’équivalent du RPR des années 90.

 

Dans une des interviews que vous avez donnée récemment, vous disiez qu’à partir du moment où on n’est pas libre de sa monnaie, on n’est pas libre tout court. Étant donné que certains pays d’Afrique utilisent toujours le franc CFA, dont les réserves sont gérées par la France, n’est-ce pas un juste retour de bâton que certains ressortissants de ces pays considèrent être chez eux en France?

 

Le franc CFA n’est pas franchement à l'avantage de la France, parce qu’elle garantit les monnaies de ces Etats, ce qui lui assure une relative stabilité. Peut-être que ce n’est pas bon pour certains pays – je ne connais pas assez le sujet pour le dire.

 

Première chose, ce ne sont pas des enfants. Les Africains sont de grandes personnes, donc, s'ils veulent sortir du franc CFA et qu'ils le demandent, il n’y a aucun problème. Je pense que la France le leur accordera. Cela fait peser un risque financier sur la France. En plus, ce n'est pas l'euro. Le franc CFA est soumis à des règles monétaires beaucoup plus souples.

 

Mais effectivement, si vous n'avez pas votre monnaie, vous n'êtes pas libre en tant que pays.

La Banque centrale européenne (BCE), par exemple, peut embêter la France si elle prend des mesures offensives en termes d’immigration. En arrêtant d'alimenter les banques françaises ou en réduisant les liquidités que les banques françaises empruntent chaque jour. C'est ce qu’il s'est passé en Grèce, qui a été contrainte de revenir sur le référendum en 2015, parce que la BCE avait asséché les banques. Quand vous avez votre banque centrale, vous n'avez pas ce problème. La monnaie est un des attributs essentiels de la souveraineté.

 

Au sujet de la démographie, on parle beaucoup de surpopulation, mais vous vous dites au contraire qu’on est face à la menace de la sous-population. Expliquez-nous un peu…

 

On a une crise démographique absolument majeure partout. Je pense que cela aura des impacts gigantesques, en termes économiques, en termes géopolitiques aussi. En particulier pour les pays dont la démographie s'effondre, dont la puissance va être très difficile à soutenir. On a un problème qui va avoir des conséquences multiples en Occident, comme dans le monde entier, puisqu’elle baisse partout, sauf en Afrique.

 

L’immigration ne fait-elle donc pas partie de la solution à ce problème?

 

Non, justement, parce que tous les pays vont avoir besoin d'immigration. S’ils veulent se battre contre la décroissance économique, essayer d'avoir une population stable, ils ont tous besoin d'immigration. Or, il n’y aura que les pays d'Afrique qui pourront en fournir, et de moins en moins, puisqu’un pays comme le Maroc est quasiment à l'équilibre démographique, autour de deux enfants par femme.

 

Deuxième chose, les flux d'immigration posent des problèmes de conflits entre les personnes quand ils sont trop importants. Ce n’est pas une question individuelle. Si vous amenez des millions et des millions de personnes de cultures différentes et que ces personnes ne veulent pas s'assimiler, cela finit par poser un problème. C’est mon point de vue.


Troisièmement, chaque pays va devoir produire lui-même de plus en plus de biens, parce que quand vous voyez que la Chine est à 1,05 enfant par femme, que sa population en âge de travailler va être réduite d'un tiers, voire de la moitié d'ici 2050, on voit bien qu'il va y avoir un problème gravissime de production. On ne peut pas mettre des robots partout. De la même manière, en Thaïlande, à Taïwan on est à 1,3 enfant par femme, comme dans les pays européens en moyenne. Donc on a un vrai problème.


«La baisse démographique va poser des problèmes économiques très importants»

 

La Corée du Sud est un exemple très intéressant de l'ampleur des dégâts que peut causer une crise démographique. C'est le pays qui a mieux réussi dans la mondialisation. Un pays autrefois très pauvre, qui est devenu aujourd’hui très riche, mais où on est à 0,68 enfant par femme. Ce qui signifie un petit-enfant pour sept grands-parents. La société n’est plus soutenable et aucun flux d'immigration ne permettra de compenser.

 

Puis la démographie négative pose un autre problème fondamental: quand vous avez quatre grands-parents pour un enfant, on obtient une société en train de se nécroser, car plus on vieillit, plus on a tendance à avoir des idées un peu rigides. C’est la loi commune de presque toute l'humanité. Cela peut donc entrainer une transformation des pays par la baisse de dynamisme et une forme de nécrose de la pensée. Cette crise va poser des problèmes économiques très importants.

 

Le Japon se bat pour avoir une croissance économique correcte alors que la décroissance de la population aurait tendance à tirer le pays vers la récession. Ils ont une stratégie intelligente: ils privilégient, ils soutiennent l’industrie, clé de la richesse notamment avec une monnaie faible, ils relancent la croissance avec des plans de dépenses publiques importants; s’ils ne le faisaient pas, la croissance économique s’écroulerait vu la baisse de la consommation due elle-même à la baisse de la population. La dette publique élevée qui en résulte (280% du PIB) est rachetée par la Banque du Japon qui la stérilise et peut l’annuler à tout instant. Enfin, ils bataillent pour remplacer les humains manquants à la société japonaise par des robots ou des systèmes automatiques. Et ils réussissent bien avec une croissance économique qui fait parfois rougir de honte les Européens. Le Japon a la chance d’être dirigé par de véritables élites économiques qui agissent intelligemment dans le bien du pays.

 

Comment en est-on arrivés là?

 

Les causes de cette crise démographique sont complexes parce que multifactorielles. À mon avis, les difficultés économiques jouent beaucoup: les jeunes ont du mal à se loger, qui plus est dans un appartement assez grand pour faire des enfants. Ils ont du mal à travailler près de leur habitation, ce qui complique encore les choses. Ils ont des salaires en baisse par rapport aux générations précédentes en général, des carrières difficiles et une précarité importante. Quand vous additionnez tout ça, évidemment que ça ne donne pas envie de faire des enfants.

 

En plus, vous avez l'individualisme qui joue. Profiter de la vie, pour certaines personnes, c'est ne pas faire d’enfants. Il y a des rapports hommes-femmes qui sont difficiles. Je suis pour l’égalité, mais pour moi, la cause féministe radicale en France consiste plutôt en un affrontement qu’à une harmonie entre les hommes et les femmes. Cela crée des difficultés dans les couples.


«On a vu beaucoup de femmes avoir des problèmes de règles importants dans les pays les plus vaccinés»

 

Et il y a aussi l'ambiance extrêmement oppressante dans beaucoup de pays d'Occident. Nous sommes dirigés par une classe oligarchique qui agite les peurs sans arrêt. Une insécurité galopante. Des problèmes écologiques qui sont mis en avant de façon très importante, sans apporter de solutions. La crise économique, les déficits, la dette brandis sans arrêt. Tout cela crée une ambiance oppressante où les gens n'ont pas envie d'avoir d'enfants.

 

Dernière cause: l'effet des vaccins sur la fertilité. Aucune étude reconnue n’a été faite là-dessus, mais on a vu beaucoup de femmes avoir des problèmes de règles importants et potentiellement des problèmes de fertilité dans les pays les plus vaccinés. Donc cela a peut-être causé une accélération dans le déclin du taux de fécondité.

6 comentarios


philippeleignel
02 nov 2024

A propos de l’immigration je dois préciser, étant moi-même fils d’immigré et détenteur de papiers étrangers, qu’elle ne saurait constituer pour moi une « problématique » en soi. Ce sont les conséquences démographiques du rythme spectaculaire (associé à la surchauffe économique et financière) qu’elle a pris ces dernières années qui m’intéressent, c’est-à-dire les difficultés rencontrées par les structures d’accueil et d’installation de ces nouvelles populations arrivantes : pressions sur le logement, massification des villes, grignotage des campagnes, bétonnage des paysages, surcharge des structures scolaires souffrant des sous-investissement, etc… Comme disait Térence, « rien de ce qui est humain ne nous est étranger » et l’adjectif n’a guère plus qu’une valeur administrative pour moi, bien entendu.

Me gusta

eric.videlier
28 oct 2024

Je ne suis qu'en partie d'accord avec les propos de Ph. Murer. Déjà, si on peut mettre son errance politique partant du PS via le FN pour en arriver chez les souverainistes sur le fait qu'il a évolué (tant mieux), se placer sour l'étiquette gaulliste est moins crédible; déjà mentionné peu avant moi, De Gaulle lui-même n'avait de loin pas de l'estime pour le père Le Pen et ceux qui l'entouraient...

Ensuite, il souligne par ses propres choix que le problème majeur des souverainistes est l'ego des chefs de partis en France. Soit on s'aligne sur le chef, soit on fait comme M. Murer..., on fonde son propre parti (et hop, un de plus). Lorsque je regarde ce que l'on…


Me gusta

philippeleignel
28 oct 2024

Il n'est pas sûr que je sois en accord avec la totalité du propos de l'invité, qui me paraît souvent contradictoire et inutilement catastrophiste. Cela dit, la référence à de Gaulle est à relever, bien qu'un peu surprenante pour quelqu'un qui a frayé avec Mme Lepen, sachant la piètre opinion que le général avait de son père, de ses amis et de son mouvement (et c'est une litote...). Bien entendu, M. Murer ne fait ici que résumer sa pensée et c'est un exercice très difficile. Il me paraît pourtant capital de poser, à cette occcasion, la problématique de l'immigration très forte que nous vivons aussi en Suisse, liée à celle de notre très faible natalité. Et là deux questions de…

Me gusta

suzette.s
27 oct 2024

Comment redonnez du pep à la génération montante?

Me gusta

Claude Devaud
Claude Devaud
27 oct 2024

tout cela sonne vrai à mes oreilles. on verra la suite, les consciences s'éveillent il me semble. Il suffira d'un signe peut-être 🌞

Me gusta
Pop Up Trigger
L'Impertinent LOGO 24.jpg

Inscrivez-vous aux alertes de publication :

Merci pour votre envoi !

Faire un don

IBAN : CH52 0900 0000 1555 3871 0

Lausanne, VD

© 2020 L'Impertinent - L'information au service du public

bottom of page