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Article rédigé par :

Rachel Brunet

L’America First de Donald Trump: quand les médias ne sont que polarisation

Depuis la réélection de Donald Trump en novembre 2024, les médias abordent l’actualité américaine à travers un prisme sous lequel deux camps s’opposent: d’un côté, ceux qui dépeignent le président comme une menace populiste et autoritaire, de l’autre, ceux qui le considèrent comme un contrepoids au progressisme dominant. Cette vision binaire occulte des réalités fondamentales. La perception francophone de l’Amérique, influencée par des idéologies divergentes, manque de nuance et néglige des éléments essentiels pour saisir les dynamiques qui façonnent l’action politique de Trump.

Trump
© REUSSIR SA/Flickr
 

Le traitement médiatique accordé à Donald Trump en France révèle une polarisation politique marquée. À gauche, des titres comme Le Monde, Libération ou Mediapart le considèrent comme un danger pour les libertés publiques et la démocratie, voire comme un dictateur. À droite toute, des médias tels que Valeurs Actuelles ou CNews le défendent comme un contrepoids aux élites et un étendard contre l’immigration.


Cette division se reflète logiquement dans l’opinion publique: selon une étude IFOP de mars 2025*, 79% des Français ont une mauvaise opinion de Trump comme président des États-Unis, contre seulement 21% qui en ont une bonne. La fracture est particulièrement visible parmi les électeurs, avec 46% des sympathisants du Rassemblement National et de Reconquête rassemblés qui lui sont favorables, contre 5% des électeurs de la Majorité présidentielle. Trump est une figure clivante, dont l’image varie fortement en fonction de l’orientation politique des Français.

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Les médias français, en exacerbant cette polarisation, contribuent à réduire le débat à une question de morale. Le style direct et brutal de Trump empêche toute neutralité, forçant chacun à prendre parti. Cette absence de nuance se retrouve dans la presse, où les jugements l’emportent souvent sur l’explication. Qu’il soit critiqué ou soutenu, Trump reste au centre de l’attention, et c’est précisément ce qu’il recherche pour différentes raisons: monopoliser le débat public par des déclarations chocs, détourner l’attention de sujets clivants, personnaliser le pouvoir autour de son image et alimenter une confrontation avec les médias pour renforcer le soutien de sa base. Les médias, volontairement ou non, alimentent sa stratégie d’imposer le tempo sans souligner que ses annonces fracassantes sont fréquemment improvisées.


Incompréhension culturelle

 

Un autre aspect souvent négligé dans la couverture médiatique est l’incompréhension culturelle qui sous-tend la lecture française de l’Amérique. En France, l’État est perçu comme protecteur, tandis qu’aux États-Unis, toute intervention publique est vue comme une menace pour les libertés individuelles. Cette vision différente explique en partie l’adhésion de nombreux Américains à Trump. De plus, la place de la religion dans sa politique, en particulier l’appui des évangéliques, peut être mal comprise en France où la laïcité est omniprésente, tout comme son style de gouvernance brut, qui correspond davantage à une Amérique des entrepreneurs et de l’argent qu’avec les codes diplomatiques français.

 

La couverture médiatique de la volonté de Trump de fermer le ministère de l’Éducation illustre parfaitement le manque de profondeur de certains médias dans l’analyse de ses propositions. En France, où l’Éducation est fortement centralisée, cette idée est perçue comme une attaque directe contre le système scolaire public. Cependant, il convient de considérer le contexte américain, où l’Éducation relève principalement des États et des districts scolaires locaux. Ne pas détailler ces enjeux revient à négliger les spécificités et les défis du système éducatif américain.


En parallèle, derrière les arrestations d’étudiants pro-palestiniens et la menace d’expulsion de certains étudiants étrangers, Donald Trump poursuit une stratégie plus large: affaiblir les universités américaines. En réduisant leurs financements fédéraux, il cherche à diminuer l’influence de ces institutions, souvent perçues comme progressistes. En ciblant les manifestations pro-palestiniennes sur les campus, Trump attaque des bastions idéologiques tout en affichant son soutien à Israël.


Catalyseur des fractures idéologiques

 

La relation du président américain avec la presse nationale, elle aussi, interpelle. Dès son premier mandat, il qualifie CNN de fake news et attaque régulièrement des journalistes. Si cette hostilité choque, il convient de rappeler que Barack Obama a également eu des tensions avec certains médias conservateurs, et donc hostiles à sa politique. Fox News l’accusait de fragiliser l’Amérique, de mettre en place un État trop interventionniste, et d’être trop conciliant avec l’Iran. Si les critiques n’étaient pas de même nature que celles adressées à Donald Trump, elles montrent que chaque président américain devient un catalyseur des fractures idéologiques. Là où Donald Trump diffère, c’est dans son refus total de négocier avec les médias traditionnels, ce qui renforce son image d’outsider et lui permet de communiquer directement avec ses électeurs, notamment via les réseaux sociaux.

 

Au-delà de sa personnalité détestée ou adulée, Donald Trump se positionne comme un catalyseur sur la scène mondiale, accélérant certains processus. Par exemple, lorsqu’il évoque une proposition radicale pour Gaza, territoire dévasté et sans solution politique claire, il avance l’idée provocatrice de créer une «Riviera française» sur les ruines du conflit. Bien que cette suggestion choque et divise, elle met en lumière une réalité: aucune solution concrète n’a été proposée par les gouvernements pour reconstruire Gaza. En avançant une idée extrême, et tout en abreuvant les médias, Trump pousse les autres acteurs internationaux à réagir, accélérant ainsi les discussions sur la reconstruction palestinienne, notamment entre pays arabes.


Lorsqu’il exige des Européens des hausses de contributions à l’OTAN, cela reflète une volonté de désengagement américain et met en lumière une nouvelle réalité géopolitique: l’UE, dubitative sur l’engagement des États-Unis, se voit obligée de renforcer sa propre défense face à une menace russe croissante. Ce déclin perçu des alliances historiques incite l’Europe à investir davantage dans ses capacités militaires et à réévaluer sa position sur la scène internationale, dans un contexte où la solidarité transatlantique semble plus fragile.

 

En réduisant le débat à une opposition idéologique, les médias négligent une réalité: Trump maîtrise le temps médiatique, imposant son agenda à la fois dans son pays et au reste du monde. Ses actions, souvent extrêmes, poussent les acteurs politiques internationaux à agir et à s’adapter à sa vision du monde: America First.

 

*Étude IFOP pour Le Point Les Français et les États-Unis Mars 2025

 

 

 

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