
A quoi sert le devoir de mémoire? Je me suis souvent posé cette question et ne suis peut-être pas la seule à le faire. Les manifestations liées aux 80 ans de la fermeture du camp d’Auschwitz ont remis la problématique au goût du jour.
Il ne fait aucun doute que les camps du national-socialisme hitlérien de la Deuxième Guerre mondiale ont été une horreur, un déshonneur pour la civilisation occidentale. Il est nécessaire de le rappeler et de donner l’occasion aux derniers survivants de dire leur souffrance et de la dire personnellement aux générations montantes. Mais il ne faut pas oublier que ces générations ne sont pas celles qui ont imaginé l’horreur dénoncée et que le devoir de mémoire ne doit pas être un moyen de les culpabiliser. Les enfants ne sont pas responsables des crimes commis par leurs parents.
Le devoir de mémoire ne concerne-t-il que le rappel des crimes du national-socialisme hitlérien ou doit-il en fait rappeler toutes les horreurs et tous les crimes commis par les êtres humains depuis que le monde est monde? C’est bien là que réside une première ambiguïté.
Le devoir de mémoire, c’est l’enseignement de l’histoire. Malheureusement, l’école l’assume de moins en moins ou souvent très mal car l’histoire exige un effort d’objectivité. Or l’objectivité est une qualité exceptionnelle, jamais absolue, certes, mais particulièrement peu développée de nos jours où les sentiments tendent à primer les faits, où le jugement moral incite souvent à amputer les faits parce que l’histoire est plus simple quand elle est réduite à un jugement moral.
Et nous touchons ici à la seconde ambiguïté du «devoir de mémoire»: grouper les faits en fonction d’un jugement moral. Il est certes nécessaire, voire indispensable, d’oser porter un jugement moral sur les faits passés, mais ce jugement doit être librement formé par celui qui prend connaissance des faits. Il ne doit pas lui être imposé sous le chapeau «devoir de mémoire»; le seul terme de «devoir» implique déjà un a priori moral. Si vous n’évoquez pas particulièrement tel ou tel fait, c’est parce que vous ne le considérez pas comme suffisamment grave ou odieux, que vous méprisez les souffrances qu’il a causées. On doit donc vous dire quels sont ceux dont vous devez vous souvenir, que vous devez trouver moralement insupportables. L’expression «devoir de mémoire» recouvre une forme de dictature sentimentale propre, comme toutes les dictatures, à engendrer plutôt la haine et l’esprit de revanche que la recherche des faits et la réflexion pour en comprendre l’enchaînement et peut-être en éviter la reproduction.
Je suis pour défendre la mémoire d'actes inhumains et abjects qui ont été commis sur sol européen par les nazis... avec le soutien financier de certains qui saisirent l'opportunité de retourner leur veste et se racheter une vertu en se plaçant tardivement du côté des vainqueurs, les USA, qui voulaient déjà faire main basse en soumettant l'Europe et en la colonisant (merci, De Gaulle, d'avoir contrecarré ces plans), et ont réussi le tour de force de passer pour les vainqueurs incontestés, alors que la Russie à elle-seule avait déjà supporté le plus lourd prix humain pour vaincre la barbarie nazie.
Ce qui me dérange le plus, c'est lorsque ce "devoir de mémoire" devient un outil pour un état de placer…
Tout est question de dosage. De plus en plus d'Européens sont fatigués d'être désignés comme les éternels coupables de crimes qu'ils n'ont pas commis eux-mêmes ou à propos desquels ils sont impuissants. Crimes du passé, du présent et du futur, contre des humains ou la planète. On les culpabilise même de ne pas se sentir concernés par TOUS les malheurs du monde. La culpabilisation à outrance est contreproductive. Un jour ou l'autre, ceux qui en sont la cible réalisent qu'elle sert aussi et surtout à les manipuler par l'émotion, d'où un certain ressentiment. Et le ressentiment, lui-même une émotion très forte, n'est jamais bon.
Le "devoir" de mémoire me semble surtout l'occasion de récupérations politiques, par les gouvernants qui veulent qu'on les situe dans le camp du Bien (notion indéterminée). La célébration de l'Armistice de 1918 éveille-t-elle encore des souvenirs dans la mémoire de ceux qui prennent part à ce rituel ? Faudra-t-il cesser cet communication lorsque les derniers témoins seront disparus ?
La commémoration me semble essentiellement liée aux souvenirs des moments vécus par celles et ceux qui les ont subis, partagés ou du moins observés personnellement. Pour les autres, c'est l'évocation d'un narratif qui perd de sa substance lorsque les témoins directs ont disparu. En rappeler les causes devrait inciter les gouvernants à en tirer les enseignements (plus jamais ça) et à…
Le « devoir de mémoire « devrait être d’abord le devoir de vivre le présent à la lumière des faits du passé et d’éviter d’en renouveler les horreurs. Hélas rien n’y fait. Malgré les « plus jamais ça « de la SDN et de l’ONU, les guerres et les génocides s’enchaînent. C’est dans le cœur des hommes que germe et se développe la graine de l’inhumanité et quand chez certains la plante prospère excessivement, l’instinct de domination ( Hitler et tant d’autres ) nourri de la soumission à l’autorité ( L’aiguilleur d’Auschwitz et tant d’autres ) prend de dessus. Quand déferle la violence collective, tous les barrages des lois généreuses sautent sous la pression de la seule loi ancestrale du plu…
Merci Mme Sandoz. Je me suis effectivement aussi posée la question de l'utilité du "devoir de mémoire". N'est-ce pas imposer une lecture d'un évènement, qui certes doit être rappelé aux vivants, mais qui ne laisse pas accéder à une forme d'oubli et de pardon ? J'y pense aussi en relation avec la période covid. Inévitablement, il faudra un jour pardonner... pour trouver la paix.