top of page
Rechercher

«Israël a-t-il laissé démarrer l'attaque du Hamas afin de recréer l'union sacrée de la société?»

Photo du rédacteur: Amèle DebeyAmèle Debey

Dernière mise à jour : 6 févr.

Bernard Wicht est expert en stratégie militaire et privat-docent à la Faculté des sciences politiques de l'Université de Lausanne. Auteur de nombreux ouvrages, il est également chargé de recherche au Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris (CNAM). A l'heure où les conflits s'intensifient dans le monde, il fournit une analyse percutante des enjeux géopolitiques en Ukraine comme à Gaza.

Bernard Wicht
© DR

Amèle Debey, pour L’Impertinent: En début d’année, vous disiez que la guerre en Ukraine avait ouvert la boîte de Pandore d’une guerre contre l’Europe occidentale. Êtes-vous toujours sur la même ligne?


Bernard Wicht: Oui, et je vais même encore plus loin: je considère que l'attaque du Hamas, le 7 octobre est l'ouverture d'un deuxième front. L’Europe et les États-Unis étaient déjà bien «empêtrées» avec l’Ukraine, où ils ont montré toute leur faiblesse dans cette affaire. Et voilà un deuxième front encore plus complexe et délicat. De mon point de vue – et je fais ici uniquement une analyse stratégique – cette attaque est soutenue par l'Iran et fixe encore plus à l'Est la puissance américaine et l'Europe avec. On voit combien les chefs d'État occidentaux se succèdent à Jérusalem, non seulement pour apporter leur soutien, mais surtout pour essayer d’éviter toute escalade.


Ce que j'entends par guerre n'est pas un remake de la guerre froide ni de la Deuxième Guerre mondiale; un affrontement entre armées régulières. Selon moi, cette guerre a déjà éclaté. Si vous regardez la situation en Europe, les narcotrafiquants ont des activités qui augmentent de manière exponentielle. On a deux États considérés presque comme des narcoétats: les Pays-Bas et la Belgique. Puis les banlieues des grandes villes sont en effervescence pour différentes raisons. Il y a donc déjà un premier foyer conflictuel.


Viennent ensuite les flux migratoires qui traversent toute l'Europe et montrent que celle-ci n'est plus du tout capable de se protéger. Ces mouvements passent de la Serbie au Royaume-Uni, de l'Italie à la Suède, à la Norvège, etc. En tant qu’analyste parlant du point de vue du temps long historique, je compare volontiers ces flux aux invasions qui ont mis fin à l'Empire romain.


Il ne s’agit pas de crier aux barbares! Mais avec les recherches des vingt dernières années sur la chute de l'Empire romain, on sait désormais que ce qu’on appelle les «grandes invasions» étaient principalement des «grandes migrations» de populations venant s'installer dans l'Empire.


De plus, l'Europe a montré qu'elle était sans défense. Elle n'a plus rien dans ses arsenaux, elle a puisé tout ce qu'elle avait. Le débat en Suisse sur les vingt-cinq chars ou les dix mille obus qu'on pourrait donner (ou pas), montre bien que tous les pays de l'OTAN raclent les fonds de tiroirs. L'Europe est ouvertement désarmée!


Quel lien faites-vous entre la guerre en Ukraine et celle au Moyen Orient?


Mon analyse est que le conflit en Ukraine est une guerre par procuration lancée par les États-Unis et l'OTAN contre la Russie. Angela Merkel l’a explicitement reconnu en disant que les accords de Minsk (en 2014) avaient été conclus uniquement pour laisser le temps à l'armée ukrainienne de monter en puissance. L’analyse était sans doute que la Russie allait s'empêtrer dans ce conflit comme les États-Unis se sont empêtrés au Vietnam. Mais, les stratèges russes semblent plus habiles que leurs homologues occidentaux.


En une année et demie de conflit, on voit que le problème est de plus en plus du côté occidental, avec la nécessité d'investir des moyens colossaux pour soutenir à bout de bras l'effort de guerre ukrainien. En outre, on ne peut plus s’approvisionner en gaz russe bon marché, il faut se tourner vers le gaz nord-américain qui est beaucoup plus cher. Il ne faut pas oublier que tout cela faisait partie du scénario russe.


«L'objectif de Poutine est la déstabilisation du système occidental dépendant du dollar»

En effet, Vladimir Poutine s'est exprimé en janvier 2022 devant le think tank russe Valdaï. Il y a déclaré que le «scénario guerre» devenait une hypothèse crédible, que l’objectif principal n’était pas le rattachement des provinces autonomistes du sud-est de l'Ukraine, mais la déstabilisation du système occidental totalement dépendant du dollar. Or le dollar est particulièrement volatil, comme tout le monde le sait.


On voit bien que ce calcul est en train de se réaliser: l’Allemagne, le moteur économique de l’Europe, est en récession. Les autres pays ne vont pas bien, la France est en situation quasi insurrectionnelle. L'Europe occidentale souffre énormément de ce conflit avec une inflation galopante. Le Royaume Uni en souffre de manière extrême.


Mais quel est le lien avec le Moyen Orient?


C’est un peu la réponse du berger à la bergère. Quand on voit que les États-Unis sont complètement empêtrés dans la guerre en Ukraine, avec notamment un blocage à la Chambre des représentants, leur mettre la patate chaude du conflit Hamas-Israël dans les mains, c'est leur créer un deuxième problème.


Vous souhaitez en lire plus ?

Abonnez-vous à limpertinentmedia.com pour continuer à lire ce post exclusif.

L'Impertinent LOGO 24.jpg

Inscrivez-vous aux alertes de publication :

Merci pour votre envoi !

Faire un don

IBAN : CH52 0900 0000 1555 3871 0

Lausanne, VD

© 2020 L'Impertinent - L'information au service du public

bottom of page