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Étude imputant 17'000 morts à l'hydroxychloroquine rétractée: chronique d’un échec scientifico-médiatique

Fin de partie pour l’étude imputant des dizaines de milliers de morts à l’hydroxychloroquine. Ce qui stimule une réflexion sur les précautions prises par les auteurs de ces papiers, sur les pairs qui revoient les données communiquées et surtout sur les inclinaisons d’une certaine presse à hisser la science au statut de religion.

Etude rétractée
© Canva/DR

Le 2 janvier dernier, la revue Biomedicine & Pharmacotherapy publiait une estimation du nombre de morts imputés au traitement contre le Covid à base d’hydroxychloroquine (HCQ). Selon les écrits des chercheurs de Lyon, dont Alexiane Pradelle et Jean-Christophe Lega, ce traitement serait responsable de plus ou moins 17'000 morts dans six pays. Très vite, le papier s’est répandu comme une traînée de poudre dans les médias francophones, qui ont repris en cœur l’affirmation selon laquelle des dizaines de milliers de morts seraient à imputer à cette molécule.


A part Le Monde en France et 24 heures en Suisse, peu se sont embarrassés à relever les précautions prises par Jean-Christophe Lega, qui affirmait alors: «Nous avons essayé de produire un ordre de grandeur, et nous revendiquons une imprécision dans les chiffres».


Au contraire, de nombreux articles soulignent une estimation sous-estimée et les seules limites méthodologiques à prendre en compte seraient les suivantes: «Cette étude ne prend pas en compte des pays comme l'Inde ou le Brésil où le médicament a été largement prescrit mais dont les chiffres ne sont pas accessibles. Autre limite de l'étude soulignée par France Inter, celle-ci ne se concentre que sur une période précise de l'épidémie de Covid-19, ne prenant pas en compte les mois suivants durant lesquels l'hydroxychloroquine était également utilisée».

 

Petit florilège:


 

Dans son interview avec L’Impertinent peu après la publication de ce papier, le professeur Didier Raoult dénonçait ce qu’il considérait comme un second LancetGate, en référence à une autre étude frauduleuse publiée dans cette revue au début de la crise Covid. Et voilà que non moins de huit mois plus tard, l’étude lyonnaise est rétractée par la revue B&P, à cause de problèmes méthodologiques: «La première (raison) concerne la fiabilité et le choix des données utilisées dans l'article; la seconde concerne l'hypothèse de l'article selon laquelle tous les patients ont été traités de la même manière sur le plan pharmacologique», explique l’éditeur.

 

Les seules questions à se poser

 

Pourquoi diable une revue scientifique accepte-t-elle de publier une modélisation aussi chancelante, basée sur des estimations dont il n’est pas possible d’établir la fiabilité?


Et pourquoi un tel papier, dont même les auteurs reconnaissent les failles, est-il repris de façon aussi péremptoire dans la plupart des médias français?

 

Nous avons interrogé l’éditeur de B&P, Elsevier, dont le porte-parole s’est contenté de répéter les mêmes explications de forme: «Le manuscrit a fait l'objet d'un examen par les pairs, conformément aux politiques de la revue, avant d'être accepté. Après la publication, des inquiétudes ont été soulevées au sujet de l'article. Le rédacteur en chef de la revue avait prévu de publier ces préoccupations sous forme de lettres à la rédaction, après que l'équipe d'auteurs ait eu la possibilité d'y répondre. La réponse aurait également été publiée, après examen par le journal. Toutefois, la rédactrice en chef a décidé de changer d'approche après avoir évalué la profondeur et l'étendue des problèmes soulevés.  Dans le cadre de ce processus, la rédactrice en chef a écrit aux auteurs pour leur faire part de ses préoccupations et a examiné point par point la réponse qui lui a été fournie. Elle a décidé de rétracter l'article sur la base de deux préoccupations majeures qui, selon elle, n'ont pas été suffisamment prises en compte dans la réponse.»

 

Notons au passage qu’Elsevier est un groupe éditorial, filiale de la multinationale britannique RELX, dont le principal actionnaire n’est autre que… BlackRock.

 

Bienvenue dans la sphère scientifico-médiatique

 

A l’image d’autres associations d’(in)compétences bien connues par leur proximité quasi incestueuse parmi les grands de ce monde, on peut sans sourciller se référer dès à présent à la sphère scientifico-médiatique, à l’œuvre dans cette affaire, comme dans bien d’autres depuis la crise Covid.

 

L’accointance évidente entre experts de plateau et journalistes durant la pandémie ne s’est pas arrêtée avec les mesures sanitaires. Il n’y a qu’à constater l’empressement manifesté par les supports d’information à donner la parole à des médecins plus que jamais décrédibilisés comme Mathieu Molimard (qui a, entre autres, affirmé que le vaccin empêchait la transmission et nié les effets secondaires de ceux d'AstraZeneca, ensuite retirés du marché).

 

Cela a été dit et répété: les réalités scientifiques ne font pas dans le manichéisme. En poussant les scientifiques à s’extraire du doute pour épouser les atours affirmatifs du buzz, certains médias promeuvent un mélange des genres aussi contre-productif que dangereux.

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4 Comments


Viv
Viv
Sep 10

Merci d'avoir traité le problème de fond !

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cette étude bidon et bidonnée, comme beaucoup d'études aujourd'hui (cf les déclarations de Horton, rédacchef du Lancet remontant à bien avant le covid) a été reprise absolument par toute la presse totalement soumise et subventionnée; elle a été immédiatement démontée par plusieurs scientifiques, mais les journaux n'en ont bien sûr pas parlé; le retrait (enfin) amène la RTS à en parler, du bout des lèvres et d'une façon assez spécieuse. Pourtant, il existe plus de 300 études, déjà anciennes, sur l'efficacité de la chloroquine sur les virus et cela remonte à bien avant le covid.

Je vous rappelle qu'en France, en janvier 2020, la ministre de la santé a placé la chloroquine et ses dérivés sur la liste des substances…

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Oui, il faut suivre l'actualité comme le fait très bien L'Impertinent et constater, comme d'autres l'on fait avant, que cette affaire n'a pas fini de faire parler d'elle...

A lire aussi : https://www.rts.ch/info/sciences-tech/2024/article/retractation-d-une-etude-sur-le-lien-entre-hydroxychloroquine-et-mortalite-28609042.html

Il n'en demeure pas moins qu'à titre personnel, je me demande comment il se fait que cette fameuse "affaire" Covid n'a vraiment fait parler d'elle que, disons, maximum 2 ans, et emm...quiquiné la planète entière malgré sa prétendue extême gravité et que les vedettes de plateaux TV aient disparu ???

N'y a-t-il pas lieu de se poser les questions que cela mérite et non de se voiler la face ?

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j3hdy
j3hdy
Sep 01

le problème c'est qu'une fois publiés, ces articles décrédibilisent l'HCQ et le mal est fait. même une fois rétractés c'est trop tard, c'est imprimé dans l'esprit de la plupart des gens.

pareil avec l'ivermectine associé à un vermifuge à chevaux...

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