L’arrestation du fondateur de Sea Shepherd, en juillet dernier, braque les projecteurs sur la division au sein du mouvement. En Suisse aussi, les bénévoles sont tiraillés entre le nouveau cap initié par quatre des plus proches collaborateurs de Paul Watson, et leur loyauté envers le célèbre capitaine, toujours sous la menace d’une extradition vers les geôles japonaises. L’Impertinent a tenté d’y voir plus clair dans un contexte hautement inflammable.
Mardi 24 septembre, une cinquantaine de personnes étaient rassemblées au Cinelux de Genève, pour assister à la diffusion du documentaire Seaspiracy, produit par Netflix, en présence de Peter Hammarstedt et Alex Cornelissen. Ceux qui sont respectivement directeur des campagnes et CEO de Sea Shepherd Global (SSG) avaient fait le déplacement en Suisse, à l’occasion des dix ans de la branche helvète de l’association.
Désormais, les têtes d’affiche de SSG ne parviennent plus à remplir que par moitié une petite salle de cent âmes en Suisse romande. Quelques jours plus tôt, l’événement prévu au Tibits de Lausanne pour cette tournée, qui passe aussi par Zurich, Berne et Lugano, a dû être annulé. Faute d’inscriptions selon le restaurant. En raison de pressions et de menaces selon les organisateurs.
Friture sur la ligne
L’explication de ces perturbations pour le mouvement – qui refuse de communiquer sur ses troupes en Suisse, mais y compterait une centaine de bénévoles, dont une vingtaine en Romandie, selon nos sources – n’est pas à chercher dans un désintérêt de la protection de la vie marine. Mais plutôt dans la stratégie de ses dirigeants. Depuis le renvoi du fondateur, Paul Watson, et la scission entre Sea Shepherd Global et ses antennes française, britannique et brésilienne, en 2022, les quatre nouveaux chefs du mouvement Alex Cornellisen, Peter Hammarstedt, Geert Vons et Jeff Hansen ont rompu toute communication avec leur ancien mentor et évitent consciencieusement le sujet.
(Re)lire notre interview de Lamya Essemlali: «Paul Watson ne négociera pas d’accord avec les Japonais et il ne s’excusera pas»
«Ce putsch a fait naître une scission à l’échelle mondiale au sein du mouvement, écrit Sea Shepherd France, resté loyal au fondateur, dans un communiqué paru le 26 septembre (…) Sea Shepherd Global a pris le contrôle d’antennes qui ne sont pas propriétaires du nom et du logo et qui dépendent désormais d’elle (Belgique, Allemagne, Italie, Espagne, Australie, Suisse…). Ces antennes ont, elles aussi, évincé le capitaine Watson, sans même en avertir leurs sympathisants et ont changé radicalement le cap de leurs actions.»
Seulement voilà, depuis l’arrestation de Paul Watson en juillet dernier, les quatre anciens disciples ne peuvent plus éviter les questions à son propos. Au sein de leurs propres équipes, on soulève LE sujet qui fâche et on exige plus de transparence. Pour le bien de notre enquête, nous sommes parvenus à nous entretenir avec plusieurs bénévoles, malgré le blocus que Sea Shepherd Switzerland (SSS) a tenté de mettre en place suite à notre appel à témoins:
Parmi nos sources, certaines ont été poussées vers la porte parce qu’elles ont exprimé un peu trop clairement leur soutien à Paul Watson, d’autres font encore partie de l’association et s’interrogent sur ses nouvelles méthodes. Toutes ont souhaité rester anonymes pour éviter les représailles. Nous ne préciserons donc ni leur identité, ni leur poste au sein de l’organisation.
«Global aime bien utiliser l’argent des donateurs pour financer des avocats»
Mais les hésitations de nos témoins donnent une assez bonne idée de l’ambiance qui règne dans le mouvement depuis la scission. «Sur les bateaux, dès qu’il y a quelque chose qui va de travers ou quelqu’un a une baisse de moral, tout se sait. Et c’est souvent assez facile de remonter aux personnes», nous explique l’un d’entre eux pour justifier les précautions prises à son égard. Un autre nous partage: «Je sais que Global aime bien utiliser l’argent des donateurs pour financer des avocats».
En effet, Sea Shepherd Global a intenté une action en justice contre l'antenne française du mouvement en avril 2023, afin de l'empêcher d’utiliser le nom et le drapeau créés par Paul Watson en 1977. Car le capitaine n’avait pas pensé à les protéger juridiquement. Le Tribunal judiciaire de Paris a débouté les plaignants en mars dernier, les condamnant à verser 25’000 euros de frais d'avocats à Sea Shepherd France.
Changement de cap
Ce qui ressort majoritairement de nos entretiens avec les bénévoles, anciens ou actuels, c’est la déception de voir ce mouvement initialement porteur de tant de valeurs être dépossédé de son âme.
Une volontaire qui s’est rendue sur une mission en Afrique de l’ouest récemment pour Sea Shepherd Global, que nous appellerons Isabelle*, rapporte à L’Impertinent ce qui l'a surprise: «Sea Shepherd Global ne fait plus d’action directe. Ils ne méritent plus l’image qu’ils relaient sur les réseaux sociaux. Ils ont renié les valeurs du mouvement. Ces gens ont volé son ONG à son créateur et sont tous dans une forme de déni. Ils essaient de se convaincre qu’ils ont bien agi, mais j’ai l’impression qu’on cherche des poux à Paul Watson pour se donner bonne conscience. C’est une guerre intestine qui n’est pas forcément basée sur des faits.
«Ce qu’on fait là-bas n’est plus du tout en accord avec les principes mis en place par Paul Watson»
Ce qu’on fait là-bas a du sens, mais la manière dont c’est fait n’est plus du tout en accord avec les principes mis en place par Paul Watson. D’ailleurs, rien que d’évoquer son nom énerve tout le monde sur le bateau, raconte Isabelle. Je n’ai entendu que des gens le critiquer. J’imagine qu’une minorité silencieuse a du respect pour ce qu’il a fait.»
Les principales critiques impliquant Paul Watson seraient dirigées contre sa façon de naviguer et ses actions coups de poings. Aujourd’hui, il n’est plus du tout question pour SSG de s’interposer entre des pêcheurs et une baleine, par exemple. «Il y a pas mal de gens qui sont là parce que c’est cool de profiter de trois mois en mer gratuits, raconte Isabelle. Paul Watson avait prononcé cette phrase célèbre: si vous n’êtes pas prêt à mourir pour une baleine, vous n’avez rien à faire sur un bateau de Sea Shepherd. Je crois que ça n’est plus le cas de grand monde sur ces navires.»
Et Isabelle de conclure: «Ce que fait Global maintenant est utile, il faut que cela se fasse, car cela sauve des millions de vies. Mais que ce soit mis en opposition avec ce que faisait Paul Watson est contreproductif. Les dirigeants de Global auraient dû fonder leur propre ONG et s’appeler différemment s’ils voulaient agir autrement. Paul Watson disait aussi que ceux qui donnent de l’argent à Sea Shepherd ne doivent pas décider des actions. Ce n’est clairement plus respecté non plus à l’heure actuelle.»
«L’ADN de Sea Shepherd c’était quand même d’être dans le no bullshit et la transparence», renchérit une autre bénévole, qui a quitté le navire, fatiguée par les non-dits autour de la situation actuelle. Sybille* a donné sept ans de sa vie à Sea Shepherd Switzerland. Elle a hésité à la quitter, car après avoir «passé autant de temps et d’énergie dans une association pour laquelle on est partis en campagne», il est difficile de tout arrêter. Selon elle, c’est le calcul que font les bénévoles qui restent.
«Sea Shepherd Global ne veut se séparer d'aucune antenne qui lui rapporte de l'argent. En revanche, il est vrai que l'antenne Suisse est d'autant moins 'révoltée' que les bénévoles et donateurs tessinois et alémaniques sont moins exposés à ce que dit Sea Shepherd France», explique-t-elle.
Christophe*, lui, a mal vécu l’omerta qui s’est mise à régner au sein de l’équipe suisse après la scission: «Nous nous sommes posé des questions. Des bénévoles d’à peu près tous les groupes locaux ont quitté l’association à ce moment-là, car il y avait beaucoup de non-dits, on n’avait pas toutes les informations, explique-t-il. On nous a présenté la chose comme une guerre d’égos qui n’aurait pas d’impact sur les actions directes – ce pourquoi on avait signé à la base – qui sont toujours présentes sous une autre forme. Le changement cap remonte aux années 2013-2014. Tout le monde n’est pas blanc ou noir dans cette histoire. Mais comme chacun dit ce qu’il veut, il est difficile de savoir à quoi s’en tenir.»
Transactions en eaux troubles
Lors de son interview avec L’Impertinent en octobre 2023, Peter Hammarstedt a notamment déclaré que Sea Shepherd Global ne travaillait pas avec Austral Fisheries, l'une des plus grandes entreprises de pêche commerciale d'Australie. Il disait alors: «Nous ne travaillons avec aucune industrie de la pêche, uniquement avec des gouvernements et leurs autorités chargées de l'application des lois sur la pêche, ou les autorités des parcs nationaux, les garde-côtes et la Navy (…) Nous n’avons pas de partenariat avec Austral Fisheries. Nous leur avons acheté un navire afin de transformer un bateau de pêche en une embarcation qui œuvre pour la conservation et je trouve ça génial.»
S'il est vrai que c'est Sea Shepherd Australia qui a une collaboration avec Austral Fisheries, c'est également l'antenne australienne qui a acheté le bateau.
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Le PDG d’Austral Fisheries, David Carter, avec lequel nous nous sommes entretenus, confirme ce partenariat à propos duquel il ne tarit pas d'éloges: «Je qualifie généralement notre collaboration de 'courageuse' ou d'improbable', explique-t-il à propos de SSG. Le fait est que nous venons d'univers très différents mais que nous partageons le même engagement en faveur de l'élimination de la pêche illégale, en matière de climat et contre la pollution marine par les plastiques. Son improbabilité fait la force de cette alliance.»
«Nous avons tout intérêt à ce que toutes les pêcheries soient réglementées et gérées»
Selon le directeur, la collaboration avec SSG revêt un intérêt pour les deux parties: «Pour les opérateurs légaux qui doivent faire face au fardeau de la réglementation et de la conformité dans le cadre d'une pêche bien gérée, la pêche illégale est le fléau qui pille nos stocks de poissons, inonde nos marchés et ruine notre réputation, explique-t-il. Nous avons tout intérêt à ce que toutes les pêcheries soient réglementées et gérées.»
Quant à l'intérêt de SSG à cette collaboration, David Carter confie: «Dans le cadre de cette relation, Austral Fisheries a également usé de son influence politique pour obtenir le statut d'organisation caritative pour Sea Shepherd Australia, ce qui permet aux dons d'être traités comme des déductions fiscales. Avant notre intervention, l'organisation avait essayé pendant onze ans d'obtenir cette reconnaissance.» Ce qui tombe bien puisque, selon un échange interne que nous avons pu consulter, le bateau que Sea Shepherd Global a acheté à Austral Fisheries à un prix cassé s'est accompagné d'un petit supplément. «Nous sommes heureux de l'accord que nous avons conclu, avec quelque 180’000 litres de carburant à bord, plus le don de 150’000 dollars américains (...) soit environ 210’000 dollars australiens», écrivait Jeff Hansen, directeur de Sea Shepherd Australia en mai 2022.
En ce qui concerne Paul Watson, David Carter, dont l'entreprise est détenue à 50% par une compagnie de pêche japonaise, ne cache pas son agacement: «Je ne crois pas qu'il ait aidé la cause du tout. Il est à la source de beaucoup d'anxiété pour la machine Sea Shepherd. Je pense qu'il est comme Donald Trump: égocentrique et égoïste.»
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Interrogée sur ses liens avec Austral Fisheries, la communication de Sea Shepherd Global nous a répondu: «Il est évident que tout ce que nous faisons, nous le faisons pour une seule raison: protéger l'océan et la faune marine qui l'habite. Nous mesurons notre succès au nombre de vies que nous avons sauvées, rien d'autre. Et vous, Amèle? Combien de vies avez-vous sauvées cette année? Êtes-vous végétalienne? :-)»
Collaborations houleuses
En avril 2021, la compagnie d’assurance Allianz a annoncé un partenariat avec Sea Shepherd Global. Dans son communiqué de presse, l’entreprise explique s’engager «en faveur de la propreté des océans et des côtes, de la conservation de la biodiversité et des pratiques de pêche durables». en s'associant à l'organisation internationale de conservation marine Sea Shepherd Global. On y apprend également que quatre sociétés d'Allianz financent le navire Sea Eagle nouvellement acquis et les activités de pêche de l'organisation et son équipage, qui s'occuperont de l'élimination des filets de pêche laissés illégalement sur les zones côtières italiennes de la mer Méditerranée.
Un partenariat qui fait grincer des dents au sein de Sea Shepherd, puisqu’Allianz figure parmi les quatre assurances les plus polluantes du monde. «L'année dernière, Allianz (Allemagne), AXA et CNP Assurances (France) et Generali (Italie) ont fait entrer dans l'atmosphère terrestre l'équivalent d'au moins 40,2 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2), écrivait la plateforme d’investigations journalistiques écossaise The Ferret en 2022. Selon nos confrères britanniques, «la pollution causée par ces entreprises – qui résulte de leurs investissements dans d'autres secteurs et contribue à la crise climatique – était également comparable à celle produite annuellement à l'intérieur des frontières d'autres pays européens de taille moyenne, dont le Portugal et la Suisse.»
«Le chef de campagne à bord est un membre de Tsahal»
Le 25 avril, un photographe animalier du nom de Christian Gomez a publié une vidéo sur son compte Instagram, dans laquelle il explique pourquoi il ne continuera pas à travailler avec Sea Shepherd Convervation Society (SSCS), alias Sea Shepherd US, dans son état actuel et pourquoi il enjoint les membres d’équipages à faire de même, ainsi que les donateurs à interrompre leur soutien.
«J’ai travaillé sur le Sea Horse, lors d’une campagne avec Sea Shepherd US (SSCS) au Mexique. En avril 2023, j’ai appris que le chef des opérations ainsi que certains membres de l’équipage à bord étaient des membres de Tsahal, explique-t-il. Sur le moment, j’ai trouvé cette information problématique, mais j’ai égoïstement pensé que le travail de SSCS était trop important pour risquer de le mettre en danger en la révélant. Plus tard la même année, j’ai appris que le chef des opérations de SSCS était reparti à Gaza en tant que membre de Tsahal. Pour moi, il est devenu évident que cette personne n’avait rien à faire dans une organisation qui prétend protéger des vies. J’ai alors naïvement pensé que Sea Shepherd US allait réagir. Qu’ils ne pouvaient pas continuer à employer un homme participant activement à de telles opérations militaires, tout en prétendant vouloir sauver la vie marine. Que les dirigeants de Sea Shepherd ne pouvaient pas être aussi cyniques. Mais j’ai découvert que le chef de campagne en question avait un compte Instagram alimenté par des photos de lui prenant la vie d’autres êtres humains.»
Comme le relate Christian Gomez, le compte Instagram du chef de campagne en question est passé en mode privé suite à la publication de sa vidéo. Sea Shepherd Conservation Society aurait ensuite retiré le nom de cet individu et son image de ses sites internet. Nous avons pu consulter les publications guerrières du soldat, dont celles des exécutions, ainsi que constater que sa tête avait bel et bien disparu du site. Mais selon Christian Gomez, le soldat est toujours actif au sein de l'organisation.
Selon nos informations, c’est la société israélienne basée en Ouganda Yamasec qui engagerait ces mercenaires pour assurer la sécurité sur les bateaux de Sea Shepherd et ce depuis environ sept ans. On retrouve d’ailleurs la trace de cette entreprise dans le rapport fiscal de 2022 de la branche américaine:
La présence de ces soldats sur les bateaux de Sea Shepherd Global aussi nous est confirmée par Isabelle: «Ils sont là pour nous aider en cas d’attaque de pirates et pour gérer les soldats locaux qui embarquent avec nous et nous donnent la légitimité d’accoster des embarcations de pêche. Un des patrons de Yamasec a des contacts privilégiés avec les gouvernements. On m’a dit que sans Yamasec, on ne pourrait pas être là, ce qui m’a surprise, étant donné que ce sont eux qui bossent pour nous et pas le contraire. Il y a un lien que je ressens comme malsain entre une société privée de sécurité et les présidents locaux. On nous a dit qu’ils étaient là pour faire de la formation. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à une autre milice bien connue, qui prétend former des soldats mais qui a des agendas cachés.»
«Sans parler du fait que la présence d’une milice israélienne semble poser problème à pas mal de monde dans un milieu qui est plutôt à la gauche de l’échiquier politique, argue encore Isabelle. Lorsque j’ai soulevé des questions, on m’a dit que si j’avais envie de remonter sur un bateau un jour, je ne pouvais pas critiquer Yamasec.»
«On m'a dit que j'étais un danger pour l'association»
«On est en pleine dissonance cognitive, regrette Sybille, qui voit cette collaboration comme une histoire de copinage, d’échanges de bons procédés, où Sea Shepherd donne des mandats à Yamasec pour pouvoir profiter de son réseau en échange. «D’un côté, ils nous disent qu’ils n’ont rien à cacher, mais de l’autre côté, on ne doit pas en parler. Lorsque des bénévoles ont essayé de poser des questions, ils ont été accueillis avec des allusions d’antisémitisme. On m'a également dit que j'étais un danger pour l'association».
Christophe aussi a considéré cette information comme la goutte d’eau: «On s’est demandé si c’était judicieux, vu les événements actuels. On est censés être apolitiques.» Là encore, l'équipe de communication de Sea Shepherd Global s'est contentée de répondre à nos sollicitations par des sarcasmes et autres provocations.
Du côté de Sea Shepherd France (SSF), il semblerait que la présidente et Paul Watson lui-même ignoraient tout de cette collaboration avec Yamasec: «Cela paraît fou mais non, nous n'étions pas au courant, nous confie Lamya Essemlali. Cela n’a jamais été abordé pendant les board meetings et nous n'avons jamais validé aucun contrat. Ni Paul ni moi n’avons jamais été sur les campagnes africaines et le sujet n’a jamais été abordé aux assemblées générales de Global.»
«Des documents internes, notamment les contrats de Yamasec, nous ont été cachés»
Selon la jeune femme, c'est d'ailleurs pour faire la lumière sur cette affaire que Sea Shepherd France a déposé plainte contre Global à Amsterdam, «afin d'avoir accès aux documents internes qui nous ont été cachés, notamment ces contrats. Le juge hollandais a refusé de nous en donner l’accès et nous avons donc fait appel.» Lamya Essemlali ajoute que SSF a également demandé l'ouverture d'une enquête auprès du parquet de Paris sur le dossier Yamasec.
Au moment où nous écrivons ces lignes, le site internet de Yamasec est encore en construction, les trois numéros donnés en contact sont non-attribués et notre sollicitation par e-mail reste sans réponse.
A marée basse
Au Cinélux de Genève, la directrice d’antenne suisse, Natalie Maspoli, a bien tenté d’haranguer la salle à moitié vide par un «prêts à accueillir de vrais pirates ce soir?» Le malaise était perceptible. D’autant que certains bénévoles de Sea Shehperd France avaient fait le voyage depuis l’autre côté de la frontière pour obtenir des réponses sur l’inaction de SSG vis-à-vis de Paul Watson.
L’Impertinent, présent sur place, a pu interroger publiquement les deux capitaines sur leur silence et leur inaction après l’arrestation de Paul Watson. Car en effet, la manifestation de soutien organisée à Genève pour protester contre ce coup de poker judiciaire n’a pas été mise en place par Sea Shepherd Switzerland, mais par Virginia Markus et son association Co&xister. Celle-ci avait alors réuni une centaine de personnes.
«Son arrestation nous a choqués, comme tout le monde. Nous avons communiqué sur le fait que les charges retenues contre lui sont bidons, a répondu Alex Cornelissen, bon gré mal gré. Il s’agit d’une affaire juridique qui sera décidée dans une Cour de justice et nous pensons que Paul Watson est armé de la meilleure équipe de défense possible. S’ils nous contactaient, nous serions prêts à donner des informations et à les aider de toutes les manières possibles. Mais cette affaire ne doit pas se régler par l’opinion publique. Il nous faut attendre pour voir ce qu’il se passera, mais nous doutons très fortement qu’il sera extradé au Japon.»
Notre seconde question – à propos des posts de soutien à Paul Watson qui seraient effacés des différentes pages virtuelles de SSG – ne pourra être posée au micro, qui nous sera retiré manu militari. Les promesses de répondre en bilatéral à la fin de l’événement ne seront pas tenues. Natalie Maspoli ne répondra jamais à nos questions (ni à celles des bénévoles venus exprimer leur soutien à Paul Watson devant le cinéma, comme le montre la vidéo ci-dessous) et notre numéro sera bloqué.
La réponse de Natalie Maspoli à une bénévole qui a consacré cinq ans de sa vie à l'association qu'elle préside.
Le genre d'atmosphère qui pousse à s'interroger sur le climat au sein de certaines organisations. Un ancien bénévole, qui s’est retiré du mouvement avant la scission, nous a justement raconté s’être lassé de l’ambiance du milieu associatif en général: «Il y a beaucoup de prises de tête entre les militants et beaucoup d’idéologie».
Celui que nous appellerons Hugo* a son avis sur l’attitude de Sea Shepherd Switzerland: «Ils auraient pu organiser des rassemblements, manifester leur soutien en partageant les pétitions et en faisant circuler les informations en Suisse. C’est important de rester soudés. Peu importe les différents qu’ils ont pu avoir, ce qui arrive à Paul Watson est grave. Comme c’est une affaire politique, le soutien du public est très important. Sea Shepherd Global pourrait largement participer à le sensibiliser. Leur silence est une démonstration de lâcheté envers Paul Watson et le mouvement qu’il a créé.»
L'attitude de Sea Shepherd Global est d’autant plus difficile à comprendre pour certains bénévoles que les dons reçus seraient en forte augmentation depuis l’arrestation du célèbre capitaine. Rien qu’en Suisse romande, les revenus issus du merchandising ont augmenté de 66% sur le stand de Paléo, depuis que Paul Watson est en prison, selon une de nos sources bien placée. Les années précédentes, les hausses tournaient autour des 10 à 20%. Interrogée sur la question, la responsable média de SSG ne nous a pas répondu.
Cependant, notre source précise que les ventes avaient déjà augmenté avant l'arrestation. Lamya Essemlali croit en connaître la raison: «SSG a sponsorisé un max la pub sur Google pour leur boutique en France, qui du coup ressortait avant la nôtre, même en France. Idem pour Sea Shepherd Allemagne, qui a mis le nom Sea Shepherd France boutique dans l’intitulé de leur nom pour créer la confusion.»
«Les motivations réelles de Global sont indéfendables, alors ils se taisent en espérant que la polémique se calme et que les gens passent à autre chose, ce qui aurait pu arriver si on n'avait pas fait autant de bruit en France, songe Lamya Essemlali. Ils veulent évincer Paul, car il est incompatible avec les compromis qu’ils veulent faire. Peter l’a dit lui même, il veut changer l’image de marque de Sea Shepherd. Changer son ADN. Devenir plus consensuel, s’institutionnaliser. Ma position est que ceux qui veulent institutionnaliser Sea Shepherd devraient partir et créer leur propre organisation.»
Et maintenant?
L'emprisonnement de Paul Watson vient d'être à nouveau prolongé au Groenland, où il attend de savoir s'il sera extradé vers le Japon. Les caméras de France 2 sont allées à sa rencontre. Mais le tapage médiatique n'aura pas égalé celui de Pavel Durov, arrêté un mois plus tard et désormais placé en liberté surveillée. Peut-être n'est-il pas trop tard pour que l'humanité toute entière revoie le sens de ses priorités?
*prénoms d'emprunt
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Cet excellent article au sujet de Sea Shepherd est emblématique de l’avancée tentaculaire du globalisme en tant que système impérialiste qui veut dominer le monde.
Même des ONG humanitaires ou qui défendent l’intégrité de la nature ne sont pas épargnées par cette récupération par ceux qui exercent le pouvoir par l’argent, les ploutocrates.
Ici, un capitaine de marine idéaliste s’est fait dépasser par la droite par ceux qui, s’associant à des mécènes douteux, ont détourné une ONG idéaliste de ses propres valeurs éthiques.
C’est pour cette raison que le sociologue et économiste français Bernard Friot ( https://youtu.be/ZrKCVncm-rI?si=ROsZJ2GWzupmWQTY ) a développé un nouveau paradigme qui est en fait un véritable communisme (qui n’a encore jamais existé) dans lequel les travailleurs sont…