
Mais sacré nom, comment font-ils? «Ils»? Je veux parler ici des acteurs de notre système de santé qui, année après année, nous font avaler des hausses vertigineuses de primes d’assurance maladie sans que qui quiconque se dise qu’il est temps d’aller leur casser la gueule.
Pour ma part, j’emprunte ma réponse à Juvénal, qui, il y a deux millénaires, se plaignait de la passivité de la population romaine, que les hommes au pouvoir gavaient de pain et de jeux (le fameux panem et circenses) pour pouvoir l’exploiter sans vergogne.
Mangeant à notre faim (du moins pour 90% d’entre nous), gavés de séries TV, de Netflix et autres streameurs et avachis par les âneries relayées par les réseaux sociaux, nous nous laissons tondre en poussant, une fois par année, en automne, quelques cris d’orfraie, à l’annonce des hausses à venir.

Grâce à cela, l’industrie de la santé (médecins, hôpitaux et pharmas notamment) pèsera cette année un bon 110 milliards de francs, soit 1000 francs par mois et par personne, bébés, enfants, adultes et vieillards inclus. Plus du double d’il y a 20 ans et un montant plus élevé que le budget de la Confédération (86 milliards).
Il n’est donc pas étonnant que nombre d’entreprises et d’individus liés à la santé s’offrent les moyens de nous faire payer toujours plus. Comme l’a relevé une enquête de la Sonntagszeitung, ils disposent, pour ce faire, d’intervenants puissants et bien placés. Ainsi, comme le révèle l’enquête, en plus des 23 lobbyistes professionnels inscrits, 90 parlementaires sont, de par leur profession ou leurs mandats, également des lobbyistes de la santé.
Parmi eux, 21 exercent un mandat pour une organisation de médecins, 27 défendent les intérêts des hôpitaux et 12 ceux de l'industrie pharmaceutique. Ajoutez celles et ceux qui ont des mandats pour des homes et des services de soins à domicile et vous constaterez qu’un tiers de nos parlementaires n’a aucun intérêt à voir les coûts de la santé réduits, au contraire!
Précision; c’est encore pire au sein des commissions parlementaires concernées puisque près de la moitié des membres ont des liens étroits avec des entreprises du secteur de la santé.
Comment dit-on bullshit en français?
Exemple: Thomas de Courten, conseiller national UDC, préside l'association Intergenerika et siège au sein d’un groupe de lobbying. Surprise! il s'oppose à tout projet visant à faire baisser le prix des médicaments, arguant qu'il pourrait y avoir des pénuries si les pharmas ne gagnaient plus assez en Suisse.
Ce n’est pas mieux parmi les politiciens de la gauche: parmi les élus du PS, ils ne sont pas moins de huit à défendre les intérêts d'organisations de médecins.
Au palmarès de nos chers élus: la mise à mort d’un projet de prix de référence pour les génériques (bien trop chers en Suisse), grâce à une alliance entre les pharmas et le corps médical. En moins de trois ans et à huis clos, lors d'apéros et de dîners, une majorité des parlementaires a été amenée à ne plus vouloir entendre parler de ce projet.
Et ce ne sont pas les discrets «zut alors» d’Alain Berset, aussi combatif qu’un spaghetti trop cuit, qui ont changé quoi que ce soit durant ses douze années comme membre du Conseil fédéral.
«Bof, direz-vous, rien de nouveau sous le soleil». Certes, mais ce n’est pas une raison pour continuer à ne rien faire. Il est grand temps de modifier notre approche du problème des coûts de la santé et lors des prochaines élections fédérales, en 2027, de virer les parlementaires achetés, loués ou vendus. En attendant, faisons savoir aux élus de nos cantons que nous en avons:
RAS-LE-BOL de ce numéro de cirque qu’assureurs, médecins, hôpitaux, entreprises pharmaceutiques et petit monde politique nous présentent chaque année en se renvoyant la balle pour dénoncer le(s) fautif(s) de l’explosion des coûts!
RAS-LE-BOL des parlementaires élus pour défendre nos intérêts, mais s’occupant surtout des leurs!
RAS-LE-BOL des directeurs de compagnies d’assurance maladie dont les salaires se chiffrent en centaines de milliers de francs (rappel: en 2023, le Conseil des Etats a refusé de limiter les salaires des membres de la direction des caisses maladie à un maximum de 250'000 francs par an)!
RAS-LE-BOL des 80 millions dépensés en marketing, périodiques et publicité par les compagnies d’assurances maladie!
RAS-LE-BOL du manque de transparence!
Il n’y a certes pas de solutions miracles, mais quelques pistes à (re) suivre:
Revoir la copie concernant la Caisse Unique.
Vu que les assurances remboursent (plus ou moins correctement) le coût des effets de la maladie, mais pas les mesures préventives à même d’éviter nombre d’entre elles, il convient de modifier la loi sur l’Assurance Maladie en mettant la priorité sur le remboursement de la prévention et, d’une manière générale, encourager le passage à la médecine des 4P: préventive, prédictive, participative et personnalisée.
Améliorer la formation des médecins, notamment dans les domaines du développement de la génétique, de la prévention et de l’IA.
Ne plus tolérer les interventions chirurgicales pratiquées pour des raisons purement financières.
Encourager la médecine holistique et rembourser les soins dits alternatifs, Ce n’est pas parce que certains «scientifiques» (souvent financièrement intéressés) n’y croient pas que ce n’est pas efficace.
«Prévenir vaut mieux que guérir», dit-on. Ce n’est manifestement pas (encore) la devise de l’industrie de la santé. Ce serait sympa que cela le devienne!

Note: pour ceux qui n’auraient pas lu le dernier rapport de la surveillance des prix, quelques extraits:
«…les différences sont énormes: pour la prothèse de genou d'un fournisseur, un hôpital a payé 929 francs, un autre a payé 5700 francs pour le même produit, soit six fois plus… Les hôpitaux suisses ont payé en moyenne 3292 francs pour ce produit. Mais il n'y a pas de raison valable à ces différences de prix.»
«La situation est similaire pour les stimulateurs cardiaques, où un hôpital a payé 4,5 fois plus cher qu'un autre pour un modèle donné. Au lieu de 1200 francs, le prix était de 5405 francs. Pour les défibrillateurs cardiaques et les prothèses de hanche, les différences de prix d'achat sont également visibles.»
«Sachant qu'en 2023, 27'087 prothèses de hanche et 23'911 prothèses de genou ont été posées en Suisse, il existe un énorme potentiel d'économies dans ce domaine — sans aucune perte de qualité… »
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